Cela fait plusieurs mois que rien de particulier ne m’est arrivé. Mais voilà, hier soir, à presque minuit, le 3e samedi du mois, j’ai connu un nouveau #RDVAncestral ! J’ai retrouvé cette étrange sensation !

Épuisée de ma journée à rédiger la lettre U du ChallengeAZ, je m’apprêtais à aller me coucher quand j’ai reconnu les signes d’un nouveau #RDVAncestral. J’ai eu l’impression de voir des lumières danser devant mes yeux. Ce n’était pas un étourdissement, non non, je partais en voyage dans le passé.

J’étais en ville, dans une rue face à une grande entrée à 4 colonnes. Une femme sortait marchant difficilement. Je l’ai observée se retenir au mur après avoir descendu les 4 marches. Je me suis approchée d’elle pour lui porter secours tout en lisant l’inscription sur le fronton “Clinique de la Faculté de médecine”.

Clinique de la Faculté de médecine (Source)

“Bonjour, Madame. Avez-vous besoin d’aide ?
– Non. C’est gentil à vous, me répondit-elle des larmes coulant silencieusement sur ses joues.
– Laissez-moi vous aider à vous asseoir.”

Elle me laissa la tenir par le bras et l’accompagner s’asseoir sur les marches. Je m’assis à côté d’elle en silence. Je pensai tout d’abord qu’elle ne dirait rien puis elle se confia d’une toute petite voix : elle venait de laisser son enfant. Une petite fille.

Elle se redressa lentement et partit sans rien ajouter. Je me suis levée à mon tour et l’ai regardée s’éloigner en m’interrogeant sur son identité. Je m’apprêtais à la rattraper pour continuer la conversation mais alors que je faisais un pas en avant, je me sentis partir.

J’étais revenue dans mon salon.

En reprenant mes esprits, je sus immédiatement de qui il s’agissait. Je venais de rencontrer mon ancêtre Omérine Eloïse Joseph Loire !

Omérine Eloïse Joseph nait le 8 janvier 1844 à Wizernes chez ses grands-parents maternels. Sa mère Marie Joséphine Bailly n’a que 22 ans et n’est pas mariée. Elle laisse l’enfant à ses parents au moins 2 années car la petite Omérine est présente dans leur foyer lors du recensement de 1846.

Recensement de 1846 à Wizernes (A.D. du Pas-de-Calais)

Marie Joséphine Bailly épouse le 18 novembre 1848 à La Villette près de Paris Jean-Marie Loire qui reconnait la petite Omérine Eloïse Joseph. Elle vient sans doute vivre avec ses parents à Paris.

Omérine Eloïse Joseph Loire a un petit garçon, Ernest Jean Marie le 26 mai 1860 alors qu’elle n’a que 16 ans 4 mois et 18 jours. Elle accouche au 109 rue d’Allemagne avec l’aide de la sage-femme Épiphane Goujon de Beauvivier femme Duquêne.

Elle a un deuxième fils naturel prénommé Georges le 10 décembre 1861 alors qu’elle n’a que 17 ans 11 mois et 2 jours. Mais cette fois-ci elle accouche à la Maternité de Port-Royal. Elle était entrée à la maternité le 30 novembre à terme et est sortie avec l’enfant le 17 décembre. Mais à peine sortie, elle va l’abandonner tout près, sans doute à l’hospice des Enfants-Trouvés, ou Hôpital Saint-Vincent-de-Paul. La décision d’abandon est en effet du 17 décembre. Il est envoyé à Château-Chinon (Nièvre) le 19 avec une douzaine d’autres enfants.

Le 11 février suivant, 2 mois après sa naissance, ses parents, Octave Jean Bernard Gontier et Omérine Eloïse Joseph, le reconnaissent avec son frère ainé lors de leur mariage mais ne le récupèrent pas. Une lettre échangée plusieurs année après avec sa famille paternelle confirme l’ascendance. Il n’aura connaissance de sa légitimation que bien après, après son mariage et après la naissance de son aînée, il prend alors le patronyme de Gontier.

Omérine Eloïse Joseph Loire et son futur mari Octave Jean Bernard Gontier vivaient à la même adresse en 1860 lors de la naissance de leur premier fils naturel, 14 rue Michel le Comte. C’est d’ailleurs une adresse où vivront encore des Gontier par la suite.

À la fin de cette année 1862, ils ont à nouveau un fils qui nait à leur domicile le 14 novembre : Octave Louis Antonin Gontier. Omérine Eloïse Joseph Loire a 18 ans 10 mois et 6 jours.

Puis le 11 mai 1864, elle donne naissance à sa première fille Héloïse Louise Octavie Gontier à 20 ans 4 mois et 3 jours. Malheureusement, peu après, le 7 juillet 1864 décède leur fils ainé Ernest Jean Marie Gontier âgé de 4 ans 1 mois et 11 jours.

Le couple n’a donc plus que 2 enfants avec eux : Octave Louis Antonin et Héloïse Louise Octavie. Mais bien vite l’année suivante, Omérine Eloïse Joseph Loire met au monde un autre petit garçon Fernand Octave Julien le 12 août 1865. Elle n’a que 21 ans 7 mois et 4 jours et c’est déjà son 5e enfant !

Octave Jean Bernard Gontier va confier son plus jeune fils Fernand Octave Julien à l’assistance publique le 9 janvier 1867. Le registre des enfants en dépôt en donne la raison : “la mère a disparu”. Il est abandonné le lendemain et envoyé à Autun le 10.

Enfants en dépôt D4X4 328 (Archives de Paris)

J’ai eu hier la grande chance de tomber par hasard – alors que je faisais une autre recherche – sur l’hospitalisation d’Omérine Eloïse Joseph Loire le 20 novembre 1866 à l’Hôpital de la Charité. Elle y est entrée le 20 novembre 1866 pour des pertes. Elle était enceinte et restera 6 jours dans le lit n°2 de la salle Sainte-Catherine.

Archives de l’AP-HP

J’ai donc recherché dans l’état civil une éventuelle naissance par la suite et j’ai effectivement trouvé la naissance d’une petite Louise Gontier. Son père est déclaré absent et sa mère habite comme lors de son hospitalisation Rue de la Petite Truanderie n°16. La naissance est déclarée par la sage-femme ayant officié, Charlotte Clémence Callé, et deux employés du 21 Rue de l’école de Médecine.

Louise Gontier est donc née à la Clinique de l’école de Médecine, aussi appelée Les Cliniques, le 5 mars 1867. Et j’ai en effet retrouvé sa trace dans les archives de l’AP-HP. Plusieurs ouvrages traitent de cet hôpital aujourd’hui disparu là et là .

Je remarque que cette adresse de domicile, Rue de la Petite Truanderie n°16, donnée en novembre 1866 et mars 1867 par Omérine Eloïse Joseph Loire n’est pas du tout celle où vivait son époux Octave Jean Bernard Gontier qui demeurait en janvier 1867 Rue Beaubourg n°24.

Omérine Eloïse Joseph Loire a donc quitté le domicile conjugal avant novembre 1866, a accouché sans doute sans en informer son mari et a abandonné leur enfant. Louise Gontier est confiée le 8 mars à l’Assistance publique et envoyée à l’agence de Nevers le 10. Je la retrouve à Crux-la-Ville (Nièvre) où elle décède malheureusement le mois suivant.

Une lettre retrouvée dans les archives de la famille, échangée entre Georges Gontier et sa famille paternelle, confirme son ascendance et la fratrie en omettant la petite Louise dont personne à part sa mère ne devait connaitre l’existence.

« Monsieur Gontier

L’on est venue de la préfecture pour me demander après Mr Octave Gontier, il est mort le 11 Juin 1885 et ma belle-sœur l’année après au mois de mars, je suis la sœur de Monsieur Octave Gontier, j’ai du donnée les renseignements que je savais et que je vous joints ci-dessous.

A son mariage mon frère et ma belle-sœur ont légitimé deux enfants qu’il avait eût Ernest qui est mort à l’âge de quatre, Georges a dû être mit aux enfants trouvé personne de la famille ne sait rien il n’y a que moi, après son mariage il a eut trois enfants deux garçons et une fille ma belle-sœur l’a quitté avec trois enfants il a dû mettre le jeune des enfants qui s’appelle Fernand aux enfants trouvé il avait gardé avec lui sa fille qui s’appelle Eloïse qui est marié et demeure rue aux Ours à Paris, l’autre garçon qui s’appelle Octave qui a été élevé à Normandie chez mes parents au Teilleul il habite Paris aussi.

Si vous avez des renseignements a me demender je me ferait un plaisir de vous les soumettre.

Et dite moi qui vous ête

Recevez Monsieur mes sincères Salutations

Ve Gandonnière »

Le dossier de Georges Gontier donne des informations sur sa mère Omérine Eloïse Joseph Loire. Elle cherche à entrer en contact avec lui en 1883. Elle habite 9 rue de Picardie dans le 3e arrondissement et exerce toujours la profession de couturière. Elle ne gagne que 2 francs ainsi que la nourriture par conséquent elle ne pourra pas l’aider longtemps compte tenu qu’elle n’a que très peu d’économies. C’est une femme de bonne moralité qui “cède à un sentiment naturel à une mère en désirant revoir son fils”.

Je ne sais pas si elle a repris contact avec ses autres enfants mais à cette époque, elle vit sous le nom de Bailly qui était son nom de naissance avant d’être reconnue par son père. Elle n’a donc pas réintégré le foyer familial. Je ne sais trop comment ses deux autres enfants l’auraient accueillie… L’ainé a dû être élevé par ses grands-parents paternels en Normandie avant de revenir s’établir à Paris. La fille de la famille est restée auprès de son père qui a sans doute dû payer une nourrice les premières années vu qu’elle n’avait que 2 ans au moment du départ de sa mère.

Omérine Eloïse Joseph Loire décède le 6 mars 1886 à l’Hôpital Lariboisière d’une broncho-pneumonie. Elle y est entrée le 26 février 1886 sous le nom de Marie Bailly ! Heureusement qu’elle est dite modiste âgée de 38 ans originaire de Saint-Omer ! On peut dire qu’elle avait brouillé les pistes en prenant le nom de sa mère et en prenant la grande ville près de sa ville de naissance !

Son mari était décédé l’année précédente, sans doute sans jamais la revoir bien qu’elle soit dite domiciliée avec lui…


  • Articles sur Georges Gontier
  • Article sur Fernand Octave Julien Gontier

Ce projet d’écriture, ouvert à tous, mêle littérature et généalogie. La règle du jeu est la suivante : Je me transporte dans son époque et je rencontre un aïeul. Le troisième samedi de chaque mois, retrouvez ainsi les belles rencontres que vous offrent les passionnés d’écriture.

2 commentaires

  1. Quelle vie fascinante ! Une vie à 100 à l’heure !
    Et quel magnifique florilège de prénoms rares, d’Omérine à Épiphane !

    1. Author

      Effectivement, on arrive parfois à obtenir un peu plus que ° x + ce qui nous permet d’entrevoir un peu plus la vie de nos ancêtres.

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