Fernand Octave Julien Gontier

Rappelez-vous l’histoire de Georges Gontier, mon trisaïeul abandonné à sa naissance sous le nom de Georges Loire en 1861. Il avait reçu vers 1891 une lettre de sa tante paternelle, Mathilde Sidonie Victorine Gontier Vve Gandonnière qui lui racontait l’histoire de sa famille. Sa naissance cachée, la naissance de ses frères et de sa sœur, l’abandon par leur mère et finalement l’abandon du plus jeune fils également, Fernand Octave Julien Gontier. C’est l’histoire que je vais vous raconter aujourd’hui. Elle est moins heureuse que celle de mon Georges Gontier (par ici).

Son histoire commence avec sa naissance le 12 août 1865 à 2 heures du matin au 110 rue du Temple dans le 3e arrondissement de Paris. Son père, Octave Jean Bernard Gontier, est un fabricant d’encres âgé de 27 ans et sa mère, Omérine Eloïse Joseph Loire, qui exerce la même profession, n’a que 21 ans. Mais il est déjà le 5e enfant de ses parents, le 3e à leur charge.

Octave Jean Bernard Gontier est-il est un homme difficile à vivre ? Omérine Eloïse Joseph Loire est-elle une jeune femme instable ? Toujours est-il que celle-ci abandonne le foyer familial laissant ses 3 jeunes enfants à la charge de son époux. Cela se passe sans doute fin 1866, Octave a 4 ans, Héloïse a 2 ans et demi et Fernand n’a que 1 an et demi. Se retrouvant seul, des dires mêmes de sa sœur, Octave Jean Bernard Gontier doit faire face à la situation. Il envoie son fils aîné Octave en Normandie chez ses parents, garde sa fille avec lui et place son plus jeune fils à l’assistance.

C’est une nouvelle vie qui commence pour Fernand Octave Julien Gontier, faite de difficultés. Il est abandonné officiellement le 9 janvier 1867 et est envoyé dès le lendemain à la campagne, plus précisément à Autun avec une première vêture et 1/2 maillot. Comme tous les enfants qui ne sont pas des nouveaux-nés, il n’y a pas de nom de nourrice en regard de son nom. Les conditions de vie de ces enfants déracinés n’est pas des plus heureuses…

L’abbé Beraud, ancien curé de Blanzy et de Montceau-les-Mines, fondateur d’orphelinats, premier prix Montyon (3e éd.) / abbé J.-B. Chaillet (Gallica)

La prochaine mention le concernant que je retrouve date de ses 12 ans et montre un enfant difficile.

Le 12 mai 1877, M. Fosseyeux, agent de surveillance du bureau d’Autun de l’Assistance publique de Paris écrit à son directeur pour lui expliquer la situtation. Fernand Octave Julien Gontier a dérobé 20 francs à ses nourriciers, ce qui lui a été pardonné dans l’espoir qu’il se corrigerait. Malheureusement il reste insoumis et se livre au vagabondage. “Au lieu de se rendre à l’école, il se cache dans les bois la plupart du temps, et y reste des journées entières lorsqu’on lui adresse le moindre reproche”. Dans ces conditions, M. Fosseyeux demande l’autorisation de faire admettre à la colonie de Montferroux “cet élève indiscipliné qui a toujours montré de mauvais instincts depuis son bas âge”. L’autorisation est délivrée le 31 mai suivant.

Montferroux est un orphelinat créé par l’Abbé Beraud.

Le recensement de 1876 y indique la présence d’un prêtre et de 6 religieuses pour 71 enfants. Dans cet établissement les enfants vont à l’école et apprennent l’agriculture. À l’orphelinat est adjoint un quartier d’éducation correctionnelle (Cote : 1 Y 114 – 127 Période : 1864 – 1897 Fonds : Établissements pénitentiaires, fonds de la Préfecture (1Y)).

Le sort réservé aux orphelins de l’Assistance Publique placés dans les fermes était sa préoccupation et il se consacra « à l’enfance orpheline et moralement abandonnée ».

L’abbé Beraud, ancien curé de Blanzy et de Montceau-les-Mines, fondateur d’orphelinats, premier prix Montyon (3e éd.) / abbé J.-B. Chaillet (Gallica)

Il créa ainsi deux orphelinats, l’un de filles à Méplier (Blanzy) et l’autre de garçons à Montferroux (Gourdon) tout près de l’actuel Montceaux-les-Mines.

Ces orphelinats fonctionnaient grâce aux dons, au travail de la terre et à l’élevage qui assuraient la nourriture des enfants mais aussi, de manière importante, grâce aux aides de l’État.

L’abbé Beraud a gardé longtemps une certaine réputation dans tous les environs, voyez plutôt :

Cette jeunesse déracinée et difficile  contribua alors à donner à son établissement une apparence de sévérité et sans doute à lui-même, une certaine réputation de père fouettard. La réputation de « Monfrou », comme on disait, inspirait la crainte de par son côté paysan très rustre. La discipline y était sévère et cette image perdura longtemps, il n’était pas rare que les anciens, longtemps après sa mort, continuaient à agiter la mémoire du curé « B’raud » comme un épouvantail : ce croquemitaine devint le recours des parents débordés par leur progéniture !

https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com

Fernand Octave Julien Gontier y reste moins de 2 ans car il est placé le 1er mars 1879 chez M. Develay, marchand de bois à Autun pour une durée d’un an. Ses gages s’élèvent à la somme de 130 francs dont 30 francs seront remis à l’agent de surveillance pour son compte.

L’année suivante 1880, il est placé pour un an chez Charles Philibert cultivateur à Montmain à Autun. Cette fois-ci ses gages s’élèvent à 160 francs, dont 50 francs iront à son compte, ainsi que 6 paires de sabots.

Le 1er mars 1881, il est placé chez M. Develay, négociant à Fragny à Autun. À présent ses gages s’élèvent à 260 francs mais ils seront placés sur son compte épargne en intégralité.

Je le retrouve en 1884 enfin retrouver est un bien grand mot ! Le 30 novembre 1884, M. Lallemand d’Epiry (Nièvre) écrit à M. Fosseyeux et lui explique qu’au 1er mars 1884 il est venu pour gager Fernand Octave Julien Gontier mais cela n’a pu se faire. En février 1883 il était bien chez lui et le 1er mars 1883 il l’avait gagé au mois. Il est resté 4 mois chez lui puis est allé travaillé chez les voisins à la journée. Ne trouvant plus de travail en hiver, il l’a repris chez lui quelques mois à raison de 18 francs par mois qu’il lui a soldé au mois de mars 1884. Il est venu chercher ses effets avec un cheval des messieurs Develay de Fragny et il ne l’a pas revu depuis. Un post-scriptum indique que la dernière somme remise était de 31 francs et non plus car il ne reste jamais assez longtemps au même endroit.

Il est voiturier à Fragny chez Develay au moment du recrutement de sa classe. Le maire d’Autun le convoque pour le 28 janvier 1886 à 9 heures du matin.

Le 24 février 1886, M. Couland de Mesvres écrit à M. Fosseyeux pour lui expliquer que Fernand Octave Julien Gontier a cherché partout à se placer surtout sur Uchon (Saône-et-Loire) et que lui même ne pouvait plus rien en faire mais qu’il patientait jusqu’au 1er mars. Comme Fernand Octave Julien Gontier voulait quelques jours de congé il s’en est pris à lui, ce jour, le traitant “de lâche et de fainéant pour lui avoir refusé de tenir sa charrue lui qui peut à peine mener les vaches” ! Il a ensuite détalé avant que la journée soit finie. M. Couland le soupçonne d’avoir voulu se faire tirer “les oreilles pour avoir lieu de se plaindre”. Il s’interroge bien sur ce qu’il aura pu raconter mais il pense tout de même devoir “le recommander autant que possible dans son intérêt”. Il voudrait même le voir revenir à de bons sentiments et en toute confidentialité il dit à M. Fosseyeux que partout ailleurs que chez lui il aurait déjà eu affaire à la justice. Il lui remettra le lundi suivant une malle qu’il a acheté à Fernand Octave Julien Gontier sur sa demande ainsi que ses effets et son compte. Le 22 septembre 1886, il est chez Claude Godard à Saint-Emiland (Saône-et-Loire) au moment où M. Fosseyeux lui remet son livret de caisse d’épargne qui s’élève à 218 francs 92 centimes.

Je devrais pouvoir trouver des informations à ce sujet dans les archives de l’assistance :

Archives de Paris

Il demande un certificat d’origine le 26 août 1894, juste avant son mariage avec Claudine Parizot le 6 octobre 1894 à Sommant (Saône-et-Loire). Ils ont une fille Gladie en 1895 puis vont vivre à Autun et à Saint-Pantaléon (Saône-et-Loire) où je les retrouve en 1906 et 1911.

Fernand Octave Julien Gontier s’est-il assagi en se mariant et en devenant père ? Je n’en sais trop rien…


Source majeure : D5X4 147 – dossier de Fernand Gonthier (archives de Paris)

2 commentaires

  1. A maufroux, contrairement à ce que laisse penser la carte postale, il n’y avait pas d’élevage bovin. Le troupeau appartient au voisin, qui n’avait aucun contact avec l’orphelinat. Avez vous une photo du Meplier?
    Cordialement

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