Dans un article de 2021 (CLIC), je voyais un potentiel lien entre le mariage introuvable de mes 6e aïeux, Pierre Biron et Marie Rose Baffie, et la condamnation à mort du frère de mon ancêtre.

7 U 1/76 – BIRON (Antoine) de La Chaze-de-Peyre, condamné à mort par contumace pour meurtre (23 mai – 20 octobre 1807). –

J’ai donc consulté la cote la semaine passée lors de mon passage aux A.D. de la Lozère. Et j’y ai découvert un ensemble de documents de la procédure menant à sa condamnation. Pour faire court, enfin si on peut dire, voici un résumé des faits réordonnés dans l’ordre du temps…


Le dimanche 3 mai 1807, peu avant minuit, Jean Baptiste Boyer, habitant la Chazotte, est à l’auberge du Dementit à La Chaze-de-Peyre chez sa belle-sœur Marguerite Salles. Il menace une de ses sœurs. Inquiète, la femme de l’aubergiste demande à deux clients de ne pas l’abandonner, son mari étant absent, parti à Marvejols. Ce sont deux frères des Fons de La Chaze-de-Peyre, Antoine et Pierre Biron, qui décident de rester. Ils ne s’en prennent pas à lui bien qu’ils aient été insultés car il est chargé d’une hache. Jean Baptiste Boyer finit par partir vers 1 heure du matin mais les frères Biron restent encore deux heures jusqu’au retour du mari qui arrive donc de Marvejols vers 3 heures du matin.

La semaine suivante, le samedi 9 mai 1807, Victor Ponsonnaille, un cultivateur de La Chazotte d’Aumont, fait travailler Jean Baptiste Boyer qui est charron. Puis ils partent à la pêche ensemble accompagné de Jean Biron. La pêche ayant été fructueuse, ils s’en vont tous les trois manger une partie de leurs poissons à l’auberge du Dementit. Victor Ponsonnaille invite à les rejoindre boire Guillaume Collier un voiturier qui revient du marché de Marvejols avec du pain de froment que l’aubergiste Etienne Monteil veut lui acheter. Il s’attable à ses côtés près de Jean Baptiste Boyer, face à Jean Biron. Peu après, Antoine et Pierre Biron, entrent à l’auberge. Ils sont également invités à boire mais s’y refusent et s’attablent derrière eux près de la porte. Après avoir bu de la bouteille qui leur a été servie, ils se lèvent pour partir. Pierre s’en va parler à la femme de l’aubergiste et c’est alors qu’Antoine s’empare de sa pioche posée derrière la porte et en assène un grand coup dans la tête de Jean Baptiste Boyer !

Jean Baptiste Boyer tombe à la renverse, comme mort. Guillaume Collier le relève tout ensanglanté et le place sur une chaise. Il revient à lui quelques minutes plus tard. Antoine et Pierre Biron s’enfuient à toutes jambes, Antoine portant la poche. Mais Pierre Biron prend le temps de faire remarquer que lui n’a rien fait et il se fâche après son frère.
Ni Guillaume Collier, ni, n’ont vu porter le coup mais la seule personne présente dans l’auberge hors de leur vue est Antoine Biron. Il n’y a donc que lui qui a pu porter le coup. L’aubergiste qui, après avoir mis son bétail à l’écurie au retour de son travail à la campagne, était entré dans la cuisine et avait vu tous les individus attablés à boire à deux tables, était retourné à l’écurie. Il est alors alerté par les cris de sa femme et accourt pour voir les fuyards. Avec sa femme, il met au lit son beau-frère Jean-Baptiste Boyer après avoir pensé sa plaie.

Le lendemain, dimanche 10 mai, Jean-Baptiste Boyer rentre chez lui à La Chazotte et le lundi 11 il va parler au juge de paix d’Aumont et rentre ensuite chez lui. Il s’allite le mardi 12 mai. C’est la rumeur publique qui alerte le juge de paix sur la mort de Jean-Baptiste Boyer le 20 mai. Il se rend chez lui, assisté de son greffier et d’un chirurgien de Saint-Chély-d’Apcher. Sa femme lui confirme la mort de son époux la veille 19 mai vers 13 heures. Elle rapporte que son mari lui a expliqué avoir reçu un coup de pioche d’Antoine Biron la semaine précédente. Il se trouve dans le lit près de la cheminée, couvert d’un drap. Ils reconnaissent le mort qu’ils croisent depuis deux ans.

Le chirurgien réalise son autopsie dont les conclusions sont sans appel. Jean-Baptiste Boyer a reçu un coup d’instrument contendant sur la bosse frontale du côté droit qui lui a occasionné une plaie de figure triangulaire de 50 mm de circonférence avec division totale des téguments et fracture à la première table de l’os coronal d’une longueur de 20 mm. La mort a été causée par l’épanchement survenu suite à l’ébraillement qu’ont essuyé les vaisseaux sanguins tant internes qu’externes de la drumere. C’est le foyer purulent qui se trouve entre cette membrane et la substance du cerveau qui l’en ont convaincu. Jean-Baptiste Boyer ne porte aucune autre trace de coup, il peut donc être inhumé.

Acte de décès de Jean-Baptiste Boyer (E.C. de Aumont-Aubrac – A.D. 48)

La machine judiciaire est lancée, Antoine et Pierre Biron font l’objet d’un mandat de dépôt comme prévenus d’assassinat dès le 23 mai. En conséquence, les gendarmes d’Aumont se rendent chez eux le 27 mais ne trouve que leur frère ainé Jean Biron. La perquisition ne donne rien. Ils reviennent le 5 juin mais ne trouvent pas plus les Biron qui se cachent, c’est évident. Ils ne trouveront toujours personne le 27 juillet. Cette fois-ci, ils vont aussi chez le maire. Le 20 août, ils laissent une affiche sur la porte de la maison n’ayant toujours trouvé que Jean Biron.

De leur côté, les quatre témoins sont assignés à comparaitre pour faire leur témoignage le 30 mai. Tous vont assurer qu’il n’y avait eu aucune dispute ni paroles entre eux. Le coup fut porté de sang froid, méchamment, avec une préméditation “profonde et de pure malice”. L’inculpation est donc définie comme “assassinat avec préméditation” et portée contre le seul Antoine Biron. En effet, les témoignages disculpent Pierre Biron n’en faisant qu’un témoin finalement.

Mais il existait bien une animosité entre les deux hommes d’après le “bruit public” qui venait d’une inclination commune envers Marie Ramadier du Vimenet fréquentée par Antoine Biron et pour laquelle Jean-Baptiste Boyer avait fait une paire de sabots. Mais nous savons aussi qu’il y avait eu des soucis les impliquant tous la semaine précédente.

Carte de Cassini

Le 25 juin 1807, la Cour de cassation de Paris confirme la validité de la procédure et le 22 juillet, un acte d’accusation est dressé à l’encontre du seul Antoine Biron. La Cour devra se prononcer sur la conviction “d’intention de crime avec préméditation” et sur l’application des peines. Un nouveau mandat de prise de corps est rédigé à l’encontre d’Antoine Biron “dont le signalement est inconnu”. Bon courage pour le trouver !!! Les ordonnances de perquisition se succèdent sans être suivies d’arrestation. Finalement, le 4 septembre 1807, Antoine Biron est déclaré rebelle à la loi par une ordonnance de déchéance. Il est en effet déchu du titre et du droit de citoyen français, ses bien sont séquestrés tout le temps de sa contumace. Cette ordonnance est signifiée à son frère Jean Biron le 7 du mois.

Le 19 octobre 1807, le jugement a lieu en son absence et sans aucune partie civile pour Jean-Baptiste Boyer. Il est condamné à mort par contumace. Le lendemain, sur la place publique de Mende dite d’Angiran, a lieu “l’exécution au poteau par contumace de la personne d’Antoine Biron“, pendant l’espace de 12 heures.


De quoi s’agit-il ? D’après la loi du 6 juin 1791, un écriteau est appliqué sur le poteau des exécutions portant les nom, domicile, profession et crime du condamné pendant l’espace de 12 heures pour une condamnation à mort.

Bien sûr, on ne trouve plus aucune trace d’Antoine Biron après cela. Où est-il allé se cacher ? Mystère. Il n’a que 29 ans.

Son frère Pierre Biron, alors âgé de 26 ans, a fini par réapparaitre et s’établir deux ans plus tard mais la famille de son épouse n’était pas franchement emballée par cette alliance avec le frère d’un meurtrier et qui était présent lors de l’assassinat. L’autorisation parentale a dû être donnée avec difficultés à Marie Rose Baffie après des sommations respectueuses. D’autant plus que le père de la mariée est un personnage influent local ancien maire d’Aumont-Aubrac (CLIC). Mais il ne fallait guère attendre plus puisqu’entre le contrat de mariage en septembre 1809 et les publications de mariage des 2_janvier et 4 février, il s’est écoulé 5 mois. Le premier enfant nait 4 mois plus tard le 3 juin 1810. Malheureusement, le mariage reste encore introuvable entre ces dates…

Jean Biron, l’aîné de la fratrie, a déjà 34 ans. Il meurt célibataire le 17 mars 1832 dans sa fameuse maison des Fons à La Chaze-de-Peyre.

Les aubergistes Estienne Monteil et Marguerite Salles sont mariés depuis. Vivent avec eux les frères et sœurs de Marguerite dont Françoise Salles. C’est sans doute cette dernière âgée de tout juste 16 ans qui était embêtée par son beau-frère une semaine avant le meurtre. Les aubergistes décèdent, elle en 1821 et lui en 1833 remarié.

Jean-Baptiste Boyer s’est marié en 1802 avec Marie Salles la sœur de la femme de l’aubergiste. Ils n’ont eu qu’un fils François en 1806 mort dans sa famille paternelle à Rimeize en 1817.


Il me reste un certain nombre d’interrogations.

  • Pourquoi Jean-Baptiste Boyer embêtait-il sa jeune belle-sœur ? Courait-il après tous les jupons qu’il croisait ? Car enfin comment pouvait-il s’intéresser sérieusement à Marie Ramadier que courtisait Antoine Biron puisqu’il était déjà marié depuis 5 ans ?
  • Antoine Biron voulait-il réellement l’assassiner ou avait-il prémédité une correction qui a mal tournée ? Et dans ce cas les frères Biron n’étaient-ils pas tous impliqués par vengeance et pourquoi pas les aubergistes ? Car la disposition des différents individus pourraient le laisser supposer.

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