Claude Gervais soldat ou bagnard ?
I. Son enfance
Actuellement je ne connais que peu de choses de la vie de Claude Gervais avant ses 45 ans. Il serait né vers 1705 ou 1711 à Paris, de Marin Gervais et Françoise Paquier qui s’y étaient mariés en 1703.
Ils sont mes ancêtres à la 11e génération. Lui est jardinier à la Folie Rambouillet, Faubourg Saint-Antoine en 1703, puis au château du Bouchet de 1707 à 1710 pour Monsieur Bosc seigneur du Bouchet à Vert-le-Petit et de Servières, maître des requêtes, intendant de la maison de la duchesse de Bourgogne, mère de Louis XV, puis intendant de la province de Limoges 1711.
Ils ont deux enfants nés sur le domaine du château du Bouchet en 1707 et 1710 : Nicolas Marin Gervais, mon ancêtre présenté ici, et Thérèse Gervais.
En 1727 le père de famille semble être décédé et la mère est à Paris. Son frère Nicolas Marin s’engage à l’armée dont il sera libéré en 1738. Ils ont une autre sœur, Angélique, en vie en 1753.
II. Sa famille
Claude Gervais s’est marié en le 11 février 1745 avec Geneviève Claude Mercier en la paroisse Saint-Médard de Paris. Elle est déjà deux fois veuve et se remariera en 1753.
III. Le bagnard
Cette information vient d’un document bien particulier, un registre du bagne de Brest !
J’ai découvert un bagnard dans ma généalogie ! Oh il n’avait pas commis grand chose… un simple vol de bois. Il a été condamné à 3 ans de bagne le 23 octobre 1749 par jugement du Châtelet de Paris selon l’acte.
J’ai récemment découvert son nom dans le répertoire des jugements du Châtelet mais à la date du 10 octobre.
J’ai aussi découvert le compte-rendu du jugement qui relate son délit. D’après ce document officiel, en sortant de “la Grande Pinte” où il était allé boire, il est rentré par la Rapée, est allé au Port au plâtre et y a rencontré un menuisier qui lui a offert 12 sols pour porter 2 planches. Il a été arrêté portant les deux planches de bois et accusé de les avoir prises sur un chantier. Il assure n’être entré dans aucun chantier et n’y avoir pris aucune planche. Ce serait une dénonciation calomnieuse de quelqu’un qui lui en veut. Il n’a pas demandé pardon pour le vol, il est condamné à 3 ans de galères et à être marqué des lettres GAL. La sentence est affichée sur les ports, quais et chantiers du Port au plâtre.
Claude Gervais est ainsi arrivé au Port de Brest le 11 juin 1750 avec la chaine de Paris.
382 hommes composaient cette chaine :
- 79 au départ de Paris,
- 17 des prisons de Rouen,
- 2 d’Orléans,
- 34 de Bourges,
- 12 de Moulins,
- 9 de Tours,
- 16 de Saumur,
- 8 d’Angers,
- 1 de Candé,
- 8 de Rennes,
- 24 de Dijon,
- 30 de Metz,
- 51 de Nancy,
- 22 de Reims,
- 8 de Châlons-en-Champagne,
- 4 de Langres,
- 49 de Besançon,
- 1 de Vermenton,
- 4 de Auxerre,
- 3 de Montargis
14 sont morts en route, 1 homme s’est évadé.
Au vu de la liste de ces hommes, il semble bien qu’il s’agisse du parcours de la grande boucle ! Pauvre homme, voleur mais un tel parcours !!!
Il est détenu au Fort de La Tournelle à Paris durant l’hiver 1749.
Un matin il est marqué au fer rouge des lettres GAL (galère) puis enchaîné par le cou avec un acolyte de même peine. Une chaine de 3 pieds les relie, chaque couple se place derrière un autre et ils sont tous reliés ensemble par une longue chaine traversant un anneau au centre de cette chaine de 3 pieds.
Les voilà partis pour un long périple, la grande boucle. Tandis que certaines chaines vont quasiment directement de Paris à Brest, d’autre font un grand tour. Les 3 chaines principales sont
- la chaine de Paris et sa variante la grande boucle (qui passe par la Champagne, la Lorraine et la Bourgogne),
- la chaine de Guyenne (qui arrive souvent par voie maritime et rassemble des détenus du sud-ouest du royaume),
- la chaine de Bretagne (qui part de Saumur).
Tous les forçats n’arrivent pas dans des chaines. Des prisonniers isolés ou des petits groupes sont régulièrement envoyés à Brest hors de toute chaine, ils arrivent en bateaux, des prisons alentours…
Après tout ce trajet fait tour à tour à pied, sur des charrettes, par voies d’eau, les forçats terminent par le même trajet que la Chaine de Paris directe :
Arrivé à Brest le 11 juin 1750, il est logé dans la corderie basse, le bagne de l’ingénieur Choquet de Lindu n’étant pas encore achevé. Il reçoit un numéro matricule qui sera dorénavant sa nouvelle identité : 4 866. Il se lave dans un baquet avec son acolyte, enfile une tenue fournie en rapport avec sa peine puis est mis en quarantaine.
Il sera à présent ferré par les chevilles et toujours joint à un autre, il porte son matricule comme sur cette illustration que j’ai personnalisée.
Sa description physique nous indique qu’il est de taille fort haute, il a les cheveux, la barbe et les sourcils châtains-bruns, son visage est ovale, ses yeux sont bleus, il a un nez moyen et relevé par le bout. Il a donc une grande taille comme son frère Nicolas Marin Gervais et la même couleur de cheveux.
Commence alors pour lui une dure vie de forçat au bagne de Brest pour les travaux d’aménagement de l’arsenal : grattage des coques des bateaux, débarquement du charbon, portage, pesage du fer, vérification du bon état des chaînes et câbles d’amarrage au port, embarquement des ancres et des canons… Le tout sous la surveillance d’un garde-chiourme et ce pendant 2 années avant d’avoir purger sa peine.
Pour les détails de la vie du bagnard je vous recommande ce site ici et cet ouvrage disponible là, parmi d’autres…
Sa peine purgée, Claude Gervais est libéré le 23 octobre 1752. Il doit toujours garder avec lui son congé pour pouvoir le présenter en cas de besoin, comme un passeport et justificatif pour se rendre dans la commune qu’il a désigné lors de sa libération. Mais il ne peut habiter ni Paris, ni aucun lieu où le roi réside, ni les villes abritant des bagnes. La réinsertion dans la société est difficile, il est marqué dans sa chair, traînant derrière lui une chaîne fantôme… Pour subsister, est-il retombé dans la délinquance ? Cela reste un mystère à éclaircir mais ce n’est pas le seul… Il doit être décédé très rapidement puisque sa femme se remarie à Paris le 6 février 1753 !
IV. Le soldat
Il se pourrait bien que Claude Gervais ait été soldat dans sa jeunesse. Claude Gervais a été soldat. En effet, dans son descriptif au matricule 4 866 on apprend qu’il s’appelle Claude Gervais dit Belair encore mieux écrit dans une autre source et également indiqué lors de son premier mariage.
Or avec mes récentes recherches sur les soldats de mon ascendance dont un certain nombre de sa famille (son frère, son neveu, son petit-neveu), j’ai appris qu’ils avaient des surnoms militaires et cela m’y fait bien penser !
Il ne reste “plus” qu’à le retrouver dans le contrôle des troupes pour savoir dans quel régiment il a servi ! Souhaitez-moi bon courage !
Affaire réglée si je puis dire puisque dans le jugement de 1749 que je viens de consulter (avril 2022) il est indiqué qu’il exerce la profession de gagne deniers mais surtout qu’il est “soldat aux gardes dans la compagnie de Despiez”. Avouons que la recherche a malgré tout été laborieuse car les registres du contrôle des troupes sont une bonne centaines et que notre homme était dans le 99e ! La généalogie est une affaire de patience ; ne jamais abandonner !
D’après le registre il est donc plus jeune (né en 1711) que d’après sa condamnation (né en 1706). Sa description est un peu plus précise. Il mesure 5 pieds 4 pouces et demi ce qui correspond à 1,74 m tandis que son frère Nicolas Marin mesure 1,72 m. Ce sont donc bien de grands hommes. Sa description physique est à peine différente de celle du bagne. Sa chevelure est ici brune au lieu de châtain-brun, son visage ovale est précisé coloré et marqué de petite vérole, son nez moyen et relevé par le bout est ici simplement indiqué court, quant à ses yeux ils ne sont pas d’un simple bleu, ils sont gris. Comme son père et son frère, il est jardinier. Il dit n’avoir jamais servi et a été amené par le sergent de la compagnie, le Sr Laurent, qui l’a enrôlé le 18 avril 1744 pour 6 ans moyennant 30 livres.
Recherches passionnantes ! Ayant essayé de rechercher un homme dans les registres du bagne de Brest, j’imagine que cela a du te prendre du temps pour retrouver Claude Gervais ! Si tu as une astuce pour faciliter la recherche, je suis preneur 🙂
Alors pas du tout, ça a été très rapide car je l’ai trouvé par hasard en cherchant ses parents sur Geneanet ! Un registre a été relevé et y est déposé. Tourne-toi vers les associations bretonnes car je crois que l’une d’entre elles fait des relevés des bagnards…