Alors que je préparais un article sur une famille savoyarde de mon ascendance, les Gavard Pivet, j’ai fait une découverte exceptionnelle. Je vous laisse découvrir…
Marie Joseph Gavard Pivet nait à Viuz-en-Sallaz en 1720 et part dès avant 1743 de son village pour étudier en Piémont comme on l’apprend dans la capitation espagnole de Viuz-en-Sallaz. Il était fils de Pierre Gavard Pivet et de Marie Dunant.
Certains documents le donne né en 1730 et peut-être mort en 1805 à Viuz-en-Sallaz ; c’est une erreur, il s’agit en fait de son frère Joseph dit Hyacinthe Gavard Pivet né en 1730 et décédé en 1804 à 75 ans. D’ailleurs celui-ci cite son frère lors de son testament en 1783 : son frère le seigneur comte Gavard des Pivets administrateur général des revenus de S.A. le Grand-duc de Toscane (source).
Dès 1747 Marie Joseph Gavard Pivet se trouve dans le Grand-duché de Toscane où il est connu sous le nom de Giuseppe Maria Gavard des Pivets. Il y exerce des responsabilités administratives et devient même administrateur général des finances du Grand-duché de Toscane. Il participe au premier plan à la transformation de la Toscane en État éclairé. Il est même anobli par l’empereur François Ier le 27 avril 1764.
Il a gardé des liens avec sa Savoie natale comme le prouvent les correspondances qu’il a entretenues avec le chanoine Antoine Favre d’Annecy et l’évêque Mgr Jean Pierre Biord.
Il est d’ailleurs mentionné en Savoie en 1761-1762 pour des affranchissements (source).
Après avoir vécu quelques années à Livourne avec sa femme et ses premiers enfants, il s’établit à Florence en 1754 au Palazzo Uguccioni près du Palazzo Vecchio.
Puis la famille déménage via dei Rustici vers 1776. Giuseppe Maria Gavard des Pivets prend sa retraite en novembre 1799 et meurt le 20 octobre 1809 dit âgé de 89 ans.

S’il existe une biographie rédigée par Paul Guichonnet de Giuseppe Maria Gavard des Pivets, il existe également une biographie de son fils ainé Enrico Giacinto Gavard des Pivets. Ces deux travaux permettent de mieux connaitre la famille. Elle est intégrée à la noblesse florentine et de ce fait rencontre de grandes figures culturelles et se consacre aux loisirs aristocratiques, notamment la musique. Ils évoluent dans l’entourage du grand-duc Léopold Ier de Habsbourg-Lorraine qui est un passionné de musique et de théâtre.
Le jeune Wolfgang Amadeus Mozart est accueilli chez les Gavard des Pivets pour un après-midi musical le 5 avril 1770 avec le jeune virtuose Thomas Linley (1756-1778) alors qu’avec son père ils réalisent un voyage de quinze mois en Italie pour parfaire l’éducation de Wolfgang et le faire connaître en tant que musicien auprès de la noblesse locale. Le fait est assuré par un lettre de son père Léopold Mozart et conservé à la mémoire par un portrait peut-être réalisé a posteriori à la demande d’Enrico Giacinto Gavard des Pivets.
Il giorno seguente pranzammo presso Mr. Gavard, Administratore delle finanze del Granduca, e i due ragazzi suonarono per tutto il pomeriggio a turno, non da fanciulli, ma da uomini fatti!
Le lendemain, nous avons déjeuné chez M. Gavard, administrateur des finances du Grand-duc, et les deux garçons ont joué tout l’après-midi à tour de rôle, non pas comme des enfants, mais comme des hommes faits !
177. Leopold Mozart alla moglie, Salisburgo (Source)

Wolfgand Amadeus Mozart cite lui-même la famille qu’il tient en haute estime dans un courrier du 10 septembre 1770 adressé à son nouvel ami Thomas Linley.
Farei tutto il possibile di avere il piacere di abracciare il mio caro Amico, ed il mio Padre unito con me avrebbe il più gran desiderio di rivedere il signor Gavard, e la sua carissima e gentilissima famiglia, come anchi la Signora Corinna ed il Sigr. Nardini, e poi di ritornare a Bologna; se fosse se mai speranza di cavare pure le spese del viaggio.
Je ferais tout mon possible pour avoir le plaisir d’embrasser mon cher Ami, et mon Père uni à moi aurait le plus grand désir de revoir M. Gavard, et sa très chère et très aimable famille, ainsi que Madame Corinna et M. Nardini, et de retourner ensuite à Bologne ; s’il y avait un espoir de couvrir les frais de voyage.
208. Mozart a Thomas Linley, Firenze (Source)
La famille était déjà impliquée dans la musique et l’ainé, Enrico Giacinto Gavard des Pivets, était un artiste en dilettante, poète, musicien et compositeur à ses heures. Il avait 20 ans au moment de la visite des deux prodiges de la musique Mozart et Linley. Il écrivit notamment Six trios pour deux violons et violoncelle, suivis de Six Sonates pour clavecin (dédiées à la comtesse de Carlisle, née Biron, noble anglaise visitant Florence en 1772 source) et une Sonate pour orgue.
Toute la famille Gavard des Pivets organise des réunions littéraires auxquelles assiste en particulier le grand ami de leur fils Enrico, le comte Vittorio Amedeo Alfieri qui fut un dramaturge, philosophe, poète et écrivain.
Mais le Grand-duc Léopold critique vivement le jeune homme :
« Enrico Gavard est un homme doté de beaucoup d’esprit, de capacité et d’aisance à écrire, mais il est un sujet exécrable sous tous les aspects :
- sans religion ni morale,
- joueur et libertin de profession,
- menteur, intrigant, vaniteux,
- endetté jusqu’au cou,
- et prompt à persécuter ceux qui ne l’ont pas soutenu financièrement.
C’est un élément dangereux pour toute administration. »
Il est nommé académicien honoraire de la nouvelle Accademia delle Belle Arti en 1785, lors de son inauguration officielle. Et c’est probablement à cette époque qu’il commande (ou fait réaliser) le fameux tableau représentant le concert de Mozart dans la maison Gavard.
Sources :
- Gazzetta toscana
- Lettres de Vittorio Alfieri
- Joseph Gavard des Pivets, un Faucigneran dans la Toscane des Lumières par Paul Guichonnet
- Le dilettevoli giornate di Enrico Gavard Des Pivets. Vicende familiari ed eventi di cultura fra Mozart e Alfieri, par Lucia Chimirri
- Œuvres de Enrico Gavard des Pivets
Ce que j’ai trouvé d’autant plus intéressant c’est que le gout voire le talent musical de la famille était sans doute génétique ou du moins éducatif…
Giuseppe Maria Gavard des Pivets ou Marie Joseph Gavard Pivet (1720-1809) était nous l’avons dit fils de Pierre Gavard Pivet. Mais ce que j’ai découvert le concernant ne laisse pas de m’étonner. Dans l’inventaire après décès de ses biens réalisé le 12 mai 1739, 18 jours après son décès, j’apprends que Pierre Gavard Pivet possédait 2 violons !

Et si l’on remonte l’ascendance, on découvre que le grand-père de Pierre Gavard Pivet (1701-1739) qui s’appelait aussi Pierre Gavard Pivet (1634-1695) portait le surnom de Violonier ou le Violonis… C’est peut-être le premier musicien de la famille ?! Une branche de sa descendance prendra le nom de Gavard Violny !
Il était frère de Claude Gavard Pivet (1632-1705) qui lui était un prêtre poète…
Ils appartenaient à une plus large fratrie composée de 9 enfants dont l’une des dernières filles est mon ancêtre Charlotte Gavard Pivet (ca 1652-1686). Mais cela fera l’objet d’un prochain article…