Jean-Baptiste Soels, est né en 1744 à Grammont en Flandres (Geraardsbergen en Belgique). Il est le fils de Guillaume Soels et de Elisabeth Carryn mariés 2 ans auparavant. C’est leur 2e enfant et il aura encore une petite sœur. Son père qui est brasseur meurt alors qu’il n’a pas 4 ans.
Sa mère se remarie exactement 10 mois plus tard. Son beau-père, Simon Colin meurt l’année de ses 16 ans et sa mère 6 ans après en 1766 dans son village d’origine, Sint-Maria-Lierde, juste au nord de Geraardsbergen.
Je ne sais quand exactement il arrive à Paris… En 1774, il habite paroisse Saint-Paul, rue de Jouy, rue aussi identifiée en la paroisse Saint-Gervais. Il est garçon tailleur.
Tailleur d’habits, est celui qui taille, coud, fait & vend des habits.
Les maîtres-marchands tailleurs, & les marchands pourpointiers formoient autrefois deux communautés séparées, qui furent réunies, en 1655, sous le nom de maîtres-marchands tailleurs-pourpointiers ; & il fut dressé de nouveaux statuts, qui ayant été approuvés par les lieutenant civil & procureur du roi au Châtelet, le 22 Mai 1660, furent confirmés par lettres-patentes, & enregistrés au parlement les mêmes mois & an.
Ces statuts ordonnent qu’il sera élu tous les ans deux jurés, maîtres & gardes de ladite communauté pour la régir, avec deux anciens qui restent en charge.
Ils défendent à tous marchands fripiers, drapiers, &c. qui ne seront point reçus tailleurs, de faire ni vendre aucuns habits d’étoffe neuve, ni de façon neuve.
Ils fixent le tems d’apprentissage à trois ans, défendent de recevoir un apprenti à la maîtrise, s’il n’a travaillé outre cela trois autres années chez lesmaîtres, & ordonnent que l’aspirant fera chef-d’œuvre.
Ces statuts contiennent en tout trente articles, dont la plûpart concernent la discipline & la police de cette communauté.
Encyclopédie dirigée par Diderot & d’Alembert
Contrat de mariage : 4 mai 1774
Il rencontre sa future épouse dans le cadre de sa profession car Louise Marie Dollé, est la fille mineure de défunt Jean Louis Dollé, maître tailleur d’habits, et de Marie Anne Braconnier. Elles demeurent toutes deux au même domicile que le futur.
Les clauses du mariage sont les suivantes :
- communauté de biens selon la coutume de Paris, quand bien même ils iraient habiter dans un pays de coutume contraire. Rappelons-nous que Jean Baptiste Soels est étranger, son retour au pays est donc envisagé…
- ils ne sont pas tenu des dettes et hypothèques l’un de l’autre, antérieures à la célébration du mariage
- ils se prennent avec les biens qui leur appartiennent
- le futur : habits, linges et hardes, montre et bijoux, quelques deniers comptant, dettes actives le tout pour 1100 livres
- la future : habits, linges et hardes, montre et bijoux provenant de ses gains et épargne soit 1144 livres
- l’époux aura 688 livres de moins a payer quand il sera reçu maître, en tant qu’époux d’une fille de maître , sur les 900 livres qui se payent ordinairement pour y parvenir. Génial ! On apprend ici la valeur du passage de la maitrise !
- dot : 1 glace, 8 chaises, 1 bas d’armoire, 7 aunes de tapisserie, 2 rideaux de serge verte, 1 lit composé d’1 bois de lit, 1 paillasse, 2 matelas de laine, 1 traversin, 1 couverture, 1 courtepointe piquée, 2 oreillers et 1 housse de serge verte, 2 pièces de draps, 1 robe et sous-jupon de croisé, 2 douzaines de serviettes, 4 nappes, 4 taies d’oreillers, 1 coiffure de dentelle, 1 paire de manchette à 2 rouges de mousseline brodée de judes, faisant le tout 293 livres 10 sols, plus la somme de 300 livres en deniers comptant, le tout à déduire de la succession de son père dont elle est présomptive héritière pour moitié tant en fond que revenus, et le surplus s’il s’en trouve en avancement sur la succession future de sa mère.
- le futur donne à sa future épouse un douaire préfixe de 1200 livres qui sera propre aux enfants à venir
- préciput avant partage de la communauté au survivant : à concurrence de 300 livres
- le remploi des propres aliénés pendant le mariage se fera de part et d’autre comme de coutume
- la future épouse et les enfants qui sont espérés à naître, en renonçant à la communauté reprendront la dot entière et tout ce qui sera advenu à la future tant en meubles qu’immeubles par succession, donation, legs ou autrement, le douaire et le préciput, le tout franc et quitte des dettes et hypothèques de la communauté
- donations entre-vifs : le futur époux donne à la future au cas où elle lui survive la somme de 3000 livres, l’usufruit pendant sa vie de tout ses biens en en faisant cependant faire un inventaire ; la future épouse donne au futur au cas où il lui survive l’usufruit pendant sa vie de tout ses biens en en faisant cependant faire un inventaire; ceci au cas ou il n’y aurait pas d’enfant vivant né de leur mariage à moins qu’ils ne soient entrés en religion sans laisser de parenté
- la mère de la future ne voulant continuer la profession de son défunt mari, elle y renonce en faveur du futur époux de sa fille, ils pourront vivre chez elle tant que bon leur semble, avec les enfants, garçons et domestiques qu’ils pourraient avoir. Les pertes et profits de la profession de tailleur du futur ne compteront qu’à partir du jour de la célébration du mariage. Les futurs payeront les loyers de la demeure qu’ils occuperont avec la mère de la future, ainsi que pour la nourrir, chauffer, lumière et blanchir tant en bonne santé que maladie.
Ce mariage est tout au bénéfice de l’époux, si je puis dire. Il épouse la fille d’un maitre tailleur d’habits et ainsi reprend l’affaire de son beau-père défunt et pourra passer sa maitrise à moindre coût !
Séparation de biens : 14 novembre 1781
Malheureusement, le couple ne s’entend sans doute pas très bien… Car Louise Marie Dollé présente une requête de séparation de biens le 5 mai 1781. Elle renonce à la communauté le 13 juin 1781. Et le 14 novembre 1781 le jugement est rendu au Châtelet. Il confirme la séparation de biens et condamne Jean-Baptiste Soels à rendre et payer la somme de 1144 livres composant les biens de l’épouse au jour du mariage, la somme de 688 livres qu’il a eu de moins à payer pour sa maîtrise, la somme de 293 livres dix sols de dot et 300 livres en deniers comptant provenant de ses héritages.
La séparation de biens n’implique pas forcément une séparation de corps. D’ailleurs un acte entre Louise Marie Dollé et son frère Pierre Louis Dollé en date du 14 septembre 1791 ne parle que de séparation de biens (source : Généanet).
Cette séparation a même été publiée !
Divorce : 13 frimaire an IV
À l’époque de ces recherches qui commencent à dater, je pensais qu’ils avaient divorcé très certainement immédiatement après la loi du 20.09.1792 conformément à l’article V ; probablement peu après le 19 germinal an III date indiquée en marge du jugement pour une expédition de l’acte. Car Jean-Baptiste Soels se remarie avec Marie Louise Gérard le 8 nivôse An IV à Paris et il est dit divorcé.
C’est le contrat de mariage avec celle-ci le 7 nivôse an IV devant Me Pierre Nicolas Godefroy qui m’apporte la date du divorce. Il a eu lieu le 13 frimaire an IV dans le 8e arrondissement (ancien).
Le devenir de Louise Marie Dollé
Le 25 mai 1816, est rédigé l’inventaire après décès de Louise Marie Dollé, décédée d’un anévrisme du cœur à l’Hôtel Dieu où elle était hospitalisée depuis 18 jours. Elle a pour unique héritier un neveu, fils de son frère unique. Elle est ouvrière en linge, elle a très peu de biens, beaucoup de reconnaissances du Mont de Piété, des inscriptions viagères, son contrat de mariage, le certificat de la séparation de biens, un acte portant la liquidation avec son mari et diverses dettes.
Le devenir de Jean Baptiste Soels
Jean-Baptiste Soels a donc épousé en secondes noces Marie Louise Gérard le 8 nivôse an IV moins d’un mois après son divorce !
Ils habitent tous deux à la même adresse au 36 rue des Tournelles. Lui a déjà 51 ans, elle doit être sa cadette de 20 ans. Elle est fille de Ponce Gérard, menuisier et de défunte Marie Cécile Choqueuse.
La fortune de Jean-Baptiste Soels s’élève à 10 000 livres tant en assignats qu’en meubles meublant, habits, linges et hardes à son usage. Celle de Marie Louise Gérard s’élève à 20 000 livres tant en assignats qu’en meubles et effets mobiliers, habits, linges et hardes à son usage.
S’ils ont eu des enfants, je n’en ai pas connaissance. Elle meurt 12 ans après l’union, âgée de 43 ans laissant pour héritier son mari. Ils demeurent à présent au 6 de la rue des Tournelles.
Entre ce 12 décembre 1807 et le 4 avril 1809, Jean-Baptiste Soels se marie une troisième fois avec Monique Blandin qui est couturière. Il a déjà 63 ans. Ils vont avoir deux enfants : Marie Jeanne Soels le 4 avril 1809 et Henry Jean François Soels le 20 mai 1811. Il s’éteint peu après, le 28 mars 1817, à son domicile 18 Rue de Lesdiguières. Sa veuve Monique Blandin se remarie entre 1817 et 1826 avec un marchand de vins, Blaise Collin. Et elle meurt à son tour le 31 décembre 1838.
Voici une vue des différents domiciles de Jean-Baptiste Soels entre 1774 et 1817 :
Tres belle contribution, precise et bien instructive. Belle recherche!