Un dossier de solde de retraite
Le 21 décembre 2021, je vous parlais de Jean Pierre LERAMEY soldat blessé de Napoléon. Le jour même, je faisais une demande pour obtenir son dossier personnel auprès du SHD, cote GR/2 Yf 112 151. Et hier, j’ai reçu une copie de son dossier. Quelle joie, un cadeau d’anniversaire avec quelques heures d’avance !
L’un des documents est un mémoire de proposition pour la solde de retraite en faveur de mon ancêtre. Quelques erreurs se sont glissées dans ce document :
- patronyme Lerammé pour Leramey,
- sa mère Jeanne Lagirande pour Jeanne Marie Giraud,
- la commune de Verandebec pour Varenguebec
Mais c’est bien lui, aucun doute, son père s’appelle bien Pascal et il est bien né le 18 novembre 1777.
J’apprends dans ce document qu’il est grenadier à la 1ère compagnie de grenadiers du 58e régiment d’infanterie de ligne.
Un régiment est généralement composé de 2 à 4 bataillons, parfois 5 (un bataillon de dépôt) chacun comprenant six compagnies dont deux d’élite (une de grenadiers et une de voltigeurs, depuis 1805) et quatre du centre (fusiliers). En bataille, la compagnie de voltigeurs est à gauche du reste du bataillon, les quatre compagnies de fusiliers sont au centre et la compagnie de grenadiers est à droite.
Malgré son appellation, le grenadier n’est plus, comme à son origine, un lanceur de grenades. Il est sélectionné parmi les soldats des compagnies du centre sur base de sa bravoure, de son ancienneté (minimum quatre ans de service) et de sa grande taille. Les grenadiers de l’infanterie de ligne ne portaient pas le bonnet à poil mais un shako plus haut et plus décoré que celui des autres compagnies. Ils portaient également des épaulettes à franges de couleur rouge.
Le second document est une demande de solde de retraite validée. Ces deux documents fournissent des informations sur la carrière de Jean Pierre Leramey.
Il est entré au service le 13 Pluviôse an VII (1er février 1799 et non 2 février 1799 comme indiqué dans le document) et en est sorti le 16 octobre 1806. Ainsi d’après les calculs de l’armée son service effectif est de 7 ans 8 mois et 14 jours et les campagnes qu’il a faites ajoutent 5 ans 3 mois et 13 jours ce qui porte le total général des services à 12 ans 11 mois et 27 jours. Nous savons qu’il était aux armées de l’Ouest et d’Italie de la Grande Armée. D’après le second décompte il a participé à 6 campagnes dont la dernière compte double ce qui porte le total général des services à 14 ans 9 mois. Un petit écart tout de même mais c’est la durée la moins longue qui est prise en compte pour le calcul de sa retraite…
Le calcul se fait sur la base de différents articles de la loi du 28 fructidor an VII dans laquelle on trouve un tableau détaillé des soldes de retraite :
N’ayant pas servi 30 ans, sa solde de retraite pour ancienneté est réduite de 150 francs à 97,50 francs auxquels sont ajoutés 150 francs pour la perte de l’usage de son bras qui est assimilée à la perte du membre lui-même, comme je vais l’expliquer un peu plus loin.
Il a donc participé aux campagnes :
- du 13 Pluviôse an VII au 20 Ventôse an IX,
- des ans XII, XIII,
- et de l’An XIV de Brumaire au 6 Nivôse.
Le 58e régiment d’infanterie de ligne fait les campagnes de l’an XII et de l’an XIII à l’armée de réserve des camps, celles de l’an XIV et de 1806 aux 3e et 5e corps de la Grande Armée. Le souci c’est que je ne le trouve pas dans les registres matricules du 58e régiment d’infanterie de ligne !
Heureusement ces documents rapportent des détails sur la blessure qu’il a reçue. Cela s’est passé à Ober-Hollabrunn le 25 Brumaire an XIV lors de la bataille de Hollabrunn, encore appelée bataille de Schöngrabern.
Cette bataille est longuement décrite dans toute la Partie 2 du livre 1 de Guerre et Paix de Léon Tolstoï et adaptée en film et séries TV dans les différentes adaptation du roman.
Jean Pierre Leramey y a perdu l’usage total de son bras droit l’obligeant à quitter le service. L’officier de santé attaché au corps, a constaté le 18 octobre 1806, qu’il est “atteint de deux ulcères fistuleux entretenus par des esquilles, suites de plaies d’arme à feu qui a traversé la partie supérieure du bras droit de devant en arrière avec fracture complète de l’humérus vers le col“. Il est aussi écrit que la plaie a créé un “engorgement avec deux trajets fistuleux sur l’articulation du bras droit avec l’épaule“.
Il a dû beaucoup souffrir durant les 20 années qui ont suivi jusqu’à sa mort survenue le 16 février 1826 !
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