X : symbole d’union
Les unions en Savoie sont-elles différentes des unions françaises ? Oui et non…
Le mariage se déroule en plusieurs étapes :
- les fréquentations que de multiples occasions occasionnent (pour en savoir plus sur le choix du partenaire je recommande la lecture de l’ouvrage présenté plus bas) ;
- les fiançailles ne sont pas forcément religieuses et ne sont pas obligatoire en Savoie, mais elles ont une grande valeur si bien que certains mènent vie commune après, au grand dam de l’Église ;
- le contrat dotal sur lequel je reviendrais;
- le mariage (tout ses tenants et aboutissants sont à découvrir dans le fameux ouvrage).
Une différence notable est celle liée au droit savoyard. C’est donc à travers les contrats de mariage qu’elle s’exprime pour les chercheurs d’aujourd’hui.
En Savoie, la communauté et la séparation de biens entre époux n’existent pas. Le contrat de mariage est donc toujours un contrat dotal, et tous se ressemblent. Que trouve-t-on dans les contrats ?
- L’identité, la date et le lieu du contrat, les témoins
L’identité n’est pas très détaillée, les pères sont assez souvent cités mais pas toujours, pour les mères c’est moins fréquent. Les avant-noms (évoqués dans cet article ici) sont à relever car ils aident à envisager le niveau social des mariés.
Le contrat peut être passé avant ou après le mariage et une formule l’indique clairement. - La constitution dotale
Elle est constituée par la femme au mari par sa famille (père ou frère, parfois la mère) ou par elle-même si elle est émancipée par la mort de son père, séparée de la communauté familiale ou si elle a déjà reçu son héritage. Les veuves constituent elles-mêmes leur dot du montant de la dot de leur premier époux plus l’augment voir plus bas).La dot est presque toujours constituée en argent, les filles sont exclues de l’hoirie de leur père pour réserver le patrimoine immobilier aux garçons. Si la succession n’est pas finie, la future épouse constitue la totalité de ses droits paternels, maternels, fraternels et sororinels. La dot est rarement payée au moment du contrat, son paiement peut-être étalé sur des années — il convient alors de rechercher les quittances de dot — ou même reporté après le décès du père ! - Le trousseau
Il est constitué des robes nuptiales (vêtements de cérémonie pour la vie entière), du trossel (vêtements ordinaires et linges de corps), du fardel (draps ou linceuls, couvertures, coussins, tours de lit et rideaux, linges de table, serviettes et nappes). - L’augment
C’est une donation que le mari est obligé de faire à sa femme. L’augment est presque toujours égal à la moitié de la dot lorsqu’elle est en argent et au tiers lorsqu’elle est immobilière.
C’est une forme de récompense de la virginité de l’épousée arrivée vierge au mariage. - Les joyaux
Plutôt que des bijoux c’est le plus souvent un don en argent et cela concerne surtout les nobles (20% de la dot) et les bourgeois. - Clauses de restitution et d’hypothèques
Le mari hypothèque la dot et l’augment sur tous ses biens.
Seuls 2 cas peuvent amener à cette situation :- l’annulation du mariage pour empêchements dirimants par les tribunaux ecclésiastiques,
- la mort d’un des époux :
- si l’épouse meurt sans enfants et sans avoir testé, sa dot est rendue avec tout le reste à ses héritiers naturels ;
- si elle a testé pour son mari, il garde la dot ;
- si elle a des enfants, ils reçoivent sa dot ;
- si l’époux meurt, ses héritiers restituent la dot à sa veuve.
L’augment est tout simplement annulé si l’épouse meurt la première. Si c’est l’époux qui décède le premier il va à leurs enfants et la veuve n’en garde que l’usufruit, s’il n’y a pas d’enfants, ses doivent le payer entièrement à la veuve.
Malheureusement tous les contrats ne sont pas aussi détaillés comme en témoigne celui-ci :
On n’y apprend pas grand chose, si ce n’est que l’épouse s’abstient de l’hoirie de son père et que les futurs profitent de leur contrat de mariage pour se faire une donation mutuelle et réciproque de tous leurs biens. On voit aussi qu’ils ont comme avant-nom “honorable” ce qui les situe plutôt bien dans la hiérarchie sociale (article explicatif ici).
D’autres contrats sont bien plus intéressants évidemment et détaillent tous les biens apportés !
Source majeure : La pratique des documents anciens, 1995, Annecy
D’autres documents peuvent intéresser les généalogistes lorsqu’ils cherchent à mieux appréhender les alliances en Savoie : les dispenses de mariage !
Comme partout et plus particulièrement dans les lieux reculés, les alliances entre proches sont fréquentes. Où peut-on trouver ces dispenses ? Le lieu de leur obtention est généralement indiqué dans l’acte de mariage.
Mais il y a aussi des dispenses à Annecy comme celles que j’ai trouvées mentionnées pour des collatéraux en 1684, 1690, 1784, 1816, 1826, 1842 et 1857. D’ailleurs, dans le répertoire numérique de la série G, on les retrouve éparpillées puis bien rangées entre 1707 et 1791 (cotes 1 G 82 à 97).
Pour la Savoie propre il faudra s’orienter sur les archives de l’évêché de Grenoble et après 1779 et la création de l’archevêché de Chambéry les dispense se trouvent en série 43F et 48F. Mais d’autres séries en contiennent aussi (il faut se reporter à l’ouvrage cité plus bas pour en connaitre le détail).
Une thèse très intéressante de Monique Courier-Christophe est consultable sur le Web. Elle est d’une très grande richesse pour mieux comprendre le mariage puisqu’il s’agit de :
On y découvre la toute puissance paternelle, excepté pour les enfants émancipés. Un fils reste dépendant de son père jusqu’au décès de celui-ci, même marié et son épouse quitte la puissance de son père pour tomber sous celle de son beau-père !
En se mariant, la femme abandonne le plus souvent ses droits à succéder à ses parents.
Les fils héritent en indivision sauf si le père en dote certains les privant de la succession grâce à ce legs, ceci pour conserver la communauté familiale viable. Donc tous les fils de la communauté, leur épouse et leurs enfants dépendent du père chef de famille tout puissant.
Contrairement à la France, le mariage sans le consentement paternel est valable mais le père peut exhéréder le fils et des amendes peuvent toucher ceux qui ont facilité un tel mariage !
On apprend aussi que les remariages provoquent souvent des charivaris que certains évitent en demandant des dispenses de bans ! Les mariages avec des étrangers à la paroisse peuvent également en déclencher mais le charivari est de plus en plus réprimandé au cours du XVIIIe siècle.
La dernière partie de l’ouvrage est consacrée aux mariages compliqués, mésententes, séparations,…
La thèse s’appuie sur de très nombreux actes judiciaires issus des procédures du Sénat de Savoie évoqué ici.
Très instructif !
Merci !