Sénat de Savoie : quel intérêt en généalogie ?
Aujourd’hui, je vais vous parler du Sénat de Savoie et de l’intérêt qu’il peut y avoir à s’y intéresser en généalogie.
Pour commencer, je vais vous présenter la famille Montanier de mon ascendance.
Maintenant que le décor est planté. Voyons de plus prêt ce qui se passe dans cette famille…
- Le 29 juillet 1698 les frères Hector, Blaise et François Montanier réalisent un compromis avec leur mère épouse à présent de Jacques Eudé. Ils promettent de se transporter tous à Annecy et de prendre chacun un avocat pour discuter leur différend en vertu des procès qu’ils “ont ventilant au Sénat de Savoie tant civil que criminel” et étant vus par les avocats ils s’obligent par leur foi et serment de s’en remettre à la décision et arbitrage de Mgr l’illustrissime évêque et prince de Genève entre maintenant et la saint André prochaine, à peine de 100 écus de 6 florins pièces au premier contrevenant contre l’arbitrage général qui en sera rendu, entendant que le jugement sortira en plein et entier effet comme un arrêt définitif.
L’acte a lieu en présence de noble et puissant seigneur Henry de Vidonne de Chaumont baron du Saint Empire, Révérend messire Jean François Gay official de l’évêché de Genève et Me Anthelme Diaconis greffier de l’évêché de Genève. (TAB Chaumont (1698) – 6 C 661 – vue 449/1030) - Ensuite un autre acte du 11 mars 1699 continue à montrer la mauvaise entente familiale puisqu’il s’agit de l’inventaire des biens en la maison de Jacqueline Bojat leur mère pour que ses fils soient sûrs de tout récupérer si elle décède avant son nouvel époux ! C’est une magnifique description de ce que la maison contenait jusqu’aux gonds des fenêtres (TAB Chaumont (1699) – 6 C 662 – vue 606/1314) !
- Lors de son testament en 1703, trois mois avant son décès, Jacqueline Bojat prive de tous ses biens ses héritiers, exceptés ceux prévus dans la transaction qu’elle a passé avec eux, transaction qu’il me reste à trouver !
- Et 15 jours après le décès, les fils sont en conflit avec leur beau-père. Le 28 juillet, ils se sont transportés chez Jacques Eudé à Chessenaz avec 400 ducattons qu’ils lui doivent par la fameuse transaction mais il devait encore vider la maison où il avait diverses denrées.
Ils se sentent molestés par ledit Eudé qui ne leur rendra pas les biens déchargés de tous frais et ils sont inquiets du recours possible puisqu’il est étranger ! Effectivement il est natif de Frencq dans le diocèse de Boulogne (actuellement dans le Pas-de-Calais)… Ils le somment de prouver par quittance que c’est le cas sinon ils déposeront la somme au greffe du Conseil du Genevois et sans préjudice de l’inventaire qu’il doit revêtir de sa signature. Jacques Eudé veut encore un délai pour prendre conseil (TAB de Chaumont (1703) – 6 C 666 – vue 341/618) …
Tout en continuant mes recherches, je tombe sur deux actes passés devant notaire, l’un par Jacques Eudé, l’autre par Hector Montanier, le même jour 3 janvier 1697, relatant les mêmes événements. En voici la synthèse : le notaire Rendu accompagne Jacques Eudé, au nom de sa femme Jacqueline Bojat, à Bouvenens chez Hector Montanier. Ils vont lui délivrer les papiers et titres concernant l’hoirie de son père, défunt Jean Montanier, suite à l’avis rendu au Sénat qui oblige à les rendre ce jour. Pour satisfaire à l’avis, Jacques Eudé les présente au nom de sa femme et déclare qu’ils sont tous dans les besaces à la réserve des obligations. Il les a donc présenté et a requis le notaire de sommer et interpeller Hector Montanier de les prendre selon l’avis.
Mais Hector Montanier, assisté du notaire Veyrat, répond qu’on lui apporte véritablement des besaces mais il ne sait “s’il y a des cailloux ou des papiers” à l’intérieur. Il veut toujours les papiers mais au préalable il veut qu’il en soit fait un inventaire sinon il les refuse. Alors Jacques Eudé les donne à un garçon qui est avec lui pour les emporter en sécurité mais sans en faire le moindre inventaire malgré la présence des deux notaires (TAB Chaumont (1697) – 6 C 660 – vue 552/1122 – vue 874/1122) !
Des documents pourraient éclairer d’avantage l’affaire, s’il est besoin, ce sont les procédures civiles et criminelles, directes ou en appel du Sénat de Savoie. De quoi s’agit-il ?
Pendant l’occupation de la Savoie par les Français au XVIe siècle, François Ier institue une cour souveraine, le Parlement de Chambéry, sur le modèle des parlements français. Il jugeait les causes importantes au civil et au criminel et, en dernier ressort, les appels.
En 1559, le traité de Cateau-Cambrésis rend au duc Emmanuel Philibert ses états mais jugeant la Savoie trop exposée aux invasions, il fixe sa capitale à Turin. La Savoie est désormais la province “au-delà des monts”. Il assure à ses états des troupes permanentes et une fiscalité régulière. Il s’inspire du Parlement de Chambéry mis en place par les Français pour créer le Souverain Sénat de Savoie. L’usage du français est maintenu. Le Sénat de Savoie existe jusqu’à la Révolution, puis de 1816 à 1860.
Il exerce un rôle considérable : justice, pouvoir réglementaire et administratif, affaires politiques et religieuses. Ses archives sont une source historique majeure qui concerne aussi bien les particuliers que les communautés d’habitants. Pourtant elles ont bien failli disparaitre sous les dents des rats ! En effet, “conservées jusqu’en 1850 dans les locaux de l’ancien couvent des Dominicains de Chambéry, ces archives ont été ensuite transportées dans le nouveau Palais de Justice. Gabriel Pérouse les y a retrouvées dans des conditions dantesques, entassées en grand désordre sous les combles et dans les caves, au milieu des rats morts et des pigeons. Dès 1924, il entreprend de les ramener aux Archives départementales et d’en dresser l’inventaire au moyen d’innombrables fiches. Pierre Bernard, son successeur, continue cette tâche immense et André Perret pourra ainsi dresser le plan de classement précis et achever un répertoire numérique dactylographié que lui-même jugeait insatisfaisant mais qui donne accès à l’essentiel de ce fonds.
Ce qui distingue les archives du Sénat de Savoie des autres fonds judiciaires majeurs conservés dans les anciennes capitales des provinces d’Europe, c’est incontestablement le fait d’avoir conservé à côté des registres d’arrêts et des pièces essentielles de l’administration de la Justice, des milliers de sacs contenant les procédures. Certains de ces sacs de lin ou de chanvre sont encore cousus tels que le greffier les a laissés il y a 250 ans. Les affaires sont succinctement notées au dos de cartes à jouer qui servent d’étiquettes, le contrôle des jeux obligeait les imprimeurs à déposer un modèle de leurs tirages qui manifestement encombraient les greffes qui ne pouvait simplement jeter ces solides cartons. (Les archives de Savoie, invitation à une lecture européenne de l’Histoire, Jean Luquet).
Illustration de l’expression « l’affaire est dans le sac », ces sacs à procès sont estimés à 45 000 dont la moitié sont des procédures civiles telles les dots et successions mais le nombre peut être revu à la baisse car des dossiers sont dispersés entre plusieurs liasses. C’était ensuite à l’avocat de « vider son sac », au sens littéral. Au moment de prendre la parole, il sortait les documents nécessaires à sa plaidoirie de ces sacs de procédure afin de fournir les pièces requises pour défendre son client (Source).
On peut chercher en ligne parmi l’inventaire (A.D. de Savoie) si des ancêtres sont concernés et c’est ainsi que j’ai trouvé des informations complémentaires sur le conflit entre les Montanier et leurs mère et beau-père. Voici les petites fiches que j’ai découvertes :
Hum hum ont-ils fini par récupérer eux-mêmes leurs papiers de famille ?
Violation de domicile, vol, voies de fait… Ils étaient sympa ces ancêtres ? Mais rassurez-vous je ne descends pas des fameux frères Montanier, je descends de leur petite sœur Charlotte ! Son époux, lui, a transigé avec sa mère Jacqueline Bojat pour sa dot et son troussel pour éviter un procès le 8 juin 1699 (TAB Chaumont (1699) – 6 C 662 – vue 615/1314).
Ce n’est pas le seul de leurs méfaits, voici d’autres fiches trouvées les concernant !
Et leur jeune frère François Montanier n’est guère mieux !
Il ne me reste ” plus qu’à ” consulter ces affaires criminelles !
Après avoir fouiné dans ces 8 171 procédures civiles et criminelles, directes ou en appel de 1559 à 1792 (A.D. 73 – B0 1 à B0 8171), n’oubliez pas de chercher parmi les 4 000 articles (A.D. 73 – 2B 10001 à 14000).
Ah que de nouvelles perspectives !!!
Source : http://www.savoie-archives.fr/archives73/dossiers_sabaudia/senat/ site fermé
Merci pour cette source que je ne connaissais pas : j’oublie trop souvent que la Haute-Savoie était autrefois la Savoie !
Après un rapide petit tour il apparaît que mes ancêtres n’avaient pas l’air d’être des vauriens, mais je vais vérifier ça soigneusement…
Mélanie – Murmures d’ancêtres
Ah ! si ! Autant pour moi : Deux femmes qui se sont crêpé le chignon dans l’église. Des épouses de notaires : roooo !
Mélanie – Murmures d’ancêtres
Hihi:)
Avec plaisir.