Si nous récapitulons ce qu’il ressort des témoignages entendus en mai 1681, on peut ajouter d’autres faits exercés à l’encontre du curé Emanuel Chardon par les Montanier :

  • Vers 1677-1678, au cimetière de Chessenaz, Jacqueline Bojat se querelle avec le curé l’appelant « fripon, adultère » et lui reproche d’avoir des bâtards et que son valet en est un.
  • Au fêtes de Pentecôte 1680, début juin 1680 donc, Jacqueline Bojat lui dit qu’il n’est pas plus digne de dire la messe que son chien.
  • En octobre 1680, Jean Montanier et sa femme Jacqueline Bojat querellent le curé à propos de dîmes qu’ils doivent et lui disent qu’il n’est pas digne de dire la messe, qu’il est un « putanier » (injure diffamatoire très grave, l’accusant de mœurs scandaleuses) et qu’il doit rester à l’ombre avec ses putains plutôt que d’aller chercher la dîme.
  • Le 4 février 1681, veille de Sainte Agathe, le curé a été pourchassé sur le grand chemin à coups de bâtons par les frères Montanier alors qu’il venait visiter leur père malade.
  • Aux alentours de février 1681, un dimanche devant l’église alors que les paroissiens attendent la messe, Jean Montanier injurie le curé : « fripon, ivrogne et adultère ». Et sa femme Jacqueline Bojat lui dit qu’il est « un méchant homme » et qu’il n’est pas digne de dire la messe.
  • Un dimanche, peut-être le même, au cimetière, Jacqueline Bojat et son fils Hector Montanier injurient le curé devant toute la paroisse lui disant qu’il « estoit un frippon et tenoit le bordel avec la femme d’Estienne Borion et qu’il ne luy apartenoit pas de dire la messe » ce qui scandalise tous les paroissiens !
  • À plusieurs reprises, Jean Montanier, Jacqueline Bojat et leurs fils Hector et Blaise Montanier se moquent du curé et lui rient au nez dans l’église pendant qu’il fait le prône.
  • Jacqueline Bojat et ses fils injurient le curé publiquement à plusieurs reprisent le traitant de « voleur, fripon, adultère, carogne » et lui disant qu’il a des bâtards et que leur père l’a guéri de la vérole (c’est la syphilis, maladie vénérienne !).
  • En avril 1681, au prône, le curé a dit – sans nommer personne – qu’il va devoir quitter la paroisse car on veut le maltraiter et lui donner des coups de bâtons quand il va visiter les malades. Alors Jacqueline Bojat femme de Jean Montanier a parlé d’un ton de chagrin et de mépris.
  • En avril 1681 encore, Jacqueline Bojat a dit au curé dans le cimetière qu’il n’est pas plus capable de dire la messe que son chien.

On voit bien là un acharnement contre le curé Emanuel Chardon bien avant ce 12 mai 1681 qui nous occupe. Mais il faut tout de même remarquer qu’à l’exception de trois témoignages dont deux peu accusateurs, les 14 autres sont tous des habitants du hameau de Héry de Chessenaz. Où sont les autres habitants et qu’auraient-ils à dire ? Sont-ils trop effrayés ou bien la vérité n’est pas aussi tranchée…

Plusieurs témoins rapportent que la querelle est partie de l’histoire du banc des Montanier dans l’église rompu il y a 3 semaines par on ne sait qui.

Illustration générée par l’IA

C’est peut-être ce qui a mis le feu aux poudre mais la querelle existait bien avant…

D’ailleurs, un témoin rapporte qu’au mois de mars, il y a eu une accusation envers le curé de tentative de viol par un vieux de la paroisse. Bien que le nom n’ait pas été dévoilé, ce serait Jean Montanier qui serait allé le dénoncer à l’évêché. Le sermon du curé se veut effrayant et s’apparente surtout à une vengeance : « quand il sera mou, le diable le portera … corps …….. …… quil lui preparoit disjà une chaudiere pour le mettre dedans quil le soufreroit bien et ensuitte y mettroit le feu, ce q’uil serviroit d’allumettes au diable ».

Le curé n’en reste vraiment pas là puisqu’il rédige une liste d’accusations à l’encontre de Jean Montanier, Jacqueline Bojat et de leurs fils Hector et Blaise Montanier. Il énumère 12 situations les mettant en cause.

  1. En 1680, Jean Montanier exige des paiements indus à des habitants du hameau de Héry (là où vivent la plupart des témoins de 1681…).
  2. En 1680, Blaise Montanier a fait violence à la femme de Claude Besson (l’un des témoins en 1681) qui n’a pu qu’à grande peine éviter d’être forcée et s’est sauvée. Il fit de même avec une autre femme qui est aussi témoin en 1681 sans pouvoir dire grand chose que des ouï-dire.
  3. Hector Montanier a donné un coup de talon de son fusil à un homme qu’il a ainsi terrassé puis lui a donné 100 coups et l’a laissé pour mort. Sa mère Jacqueline Bojat lui a dit en présence d’un témoin (qui témoigne encore en 1681) « ah misérable tu as tué ce pauvre homme » et il lui a répondu « si je savais qu’il n’était pas mort je l’aurais achevé ». L’homme en est mort 3 ou 4 mois plus tard.
  4. Jean Montanier et ses fils vont toujours armés, tuant chèvres, cochons et autres bêtes ou les frappent. Il y a quelques temps Jean et Hector Montanier ont poursuivi la femme d’Estienne Bourdon, son valet et sa servante qui ont dû se réfugier chez Me Veyrat. Le lendemain ils leur ont lancé deux coups de pierre en présence du curé.
  5. Hector Montanier a menacé de tuer 10 hommes de la paroisse.
  6. Jean Montanier tourne le dos au curé pendant le prône, ne salue pas le curé et bien qu’il habite Chessenaz depuis 30 ans, il n’a jamais voulu faire le pain bénit (les paroissien le fabriquaient, est-ce cela ou bien sa distribution à la messe ?) et ne fait pas ses Pâques depuis 3 ans, c’est-à-dire qu’il ne se confesse et ne communie plus.
  7. Hector Montanier a battu un enfant appelé Aquelin Moussier, de Fringy (nous le reverrons plus tard comme sergent dans une autre affaire qui ne semble pas en vouloir aux Montanier, mais peut-être les craint-il ?). C’est un certain Tarit qui la protéger dans sa maison et la fait se sauver par derrière après qu’il a assisté un sergent venu délivrer une copie à Jean Montanier son père.
  8. Jean Montanier, Jacqueline Bojat et leurs fils Hector et Blaise Montanier ne parlent jamais du curé sans proférer des outrages et injures. Ils lancent des pierres contre ses fenêtres et les cassent, entrent dans son jardin où ils ont brisé un romarin. L’année passée, ils ont rompu la haie de son pré plus de 15 fois ce qu’ils font encore. Ils ont aussi coupé les arbres de la haie.
  9. Jean Montanier a été vu plusieurs fois armé d’un fusil attendre le curé Paulin pour le tuer.
  10. Jacqueline Bojat dit qu’elle mourra mécontente si le curé Emanuel Chardon ne meurt pas par leurs mains.
  11. Le curé Emanuel Chardon dit qu’il est allé à Estrabloz à une lieu, pour trouver un huissier qui assigne les témoins, mais il n’a pas voulu venir ayant été menacé par Hector Montanier; Il a fallu aller chercher un sergent à Annecy.
  12. Il y a deux ans, leur bouveyron (gardien de vaches), un enfant, n’a pas voulu avoir affaire avec eux alors il est allé réclamer ses gages chez le notaire Me Derobert de Musièges qui est le gendre des Montanier. Jean Montanier l’a suivi et cruellement battu avant de le dépouiller de ses habits.
B0 2947 – Sac Chardon & Montanier (A.D. de la Savoie)

Ce ne sont que des accusations à charge, sans témoins qui viendraient corroborer les dires du curé… Tout n’est sans doute pas faux mais tout n’est sans doute pas exact non plus… Je suis tout de même assez interpellée par le fait que toutes les accusations émanent ou impliquent toujours des habitants du hameau de Héry. C’est étrange…

Je ne connais pas encore la décision judiciaire dans cette affaire mais il est certain qu’ils vont poursuivre tranquillement leur vie puisque nous les retrouvons pendant de longues années encore présents au village !

Faute de connaitre la décision judiciaire, revenons demain à notre affaire principale de 1697…

À suivre …

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *