Le 15 janvier 1598, Jacqueline Bojat demande que lui soient transmises les réponses personnelles faites par ses fils lors d’une information en 1681 pour montrer leur comportement passé. Ils s’opposent à cette démarche par le biais de leur procureur disant que leur mère les calomnie et veut les faire paraitre coupables alors qu’ils ont toujours été irréprochables. Leur beau-père emprunterait même leur nom. Il veut voler leur bien et faire trainer le procès civil déjà en cours en leur intentant un procès criminel.
Mais que disait donc ce procès en 1681 ? Il a été retrouvé dans les archives judiciaires des archives de la Savoie comme tous les autres actes judiciaires dont je parle ces jours-ci.
J’en remercie vivement une marmotte de Savoie
, Daniel, qui me fait des centaines de photographies pour éclairer toute cette histoire !
Dans sa requête au Sénat de Savoie, Révérend Messire Emanuel Chardon chanoine de la cathédrale de Genève et curé de Chessenaz dit qu’il a aimablement demandé les dîmes du vin, des gesses, avoines et la prémice dues par Me Jean Montanier chirurgien et Jacqueline Bojat. Comme ils n’y ont pas satisfait, il a fait appel au juge mage du Genevois.
Par haine, Jean Montanier et Jacqueline Bojat ont envoyé leurs enfants, Hector Montanier avocat au Sénat et Blaise Montanier maitre chirurgien, l’insulter et lui faire diverses querelles.
Le curé de Chessenaz produit 17 témoins pour raconter ce qui s’est passé. Leurs témoignages éclairent d’un jour nouveau toute cette famille ! Ils sont loin d’être blancs comme neige, les uns comme les autres !
L’affaire se déroule le lundi des Rogations (fête liturgique s’échelonnant sur trois jours, du lundi au mercredi précédant l’Ascension, le départ et la montée de Jésus au ciel) soit le 12 mai 1681.
BO 2947 – Sac du procès criminel entre le curé Chardon et les frères Montanier (a.d. 73)
Ce jour-là, alors que toute la paroisse sort de l’église avec le curé pour la procession, Hector Montanier reste seul dans l’église. Il attrape par les cheveux le valet du curé, un jeune garçon, et le tire violemment hors de l’église lui en arrachant quelques-uns et lui « concassant la teste en divers endrois luy disant quil le mettroit en mille pieces ». Il lui donne aussi des coups de pieds et de poings. Un voisin, Me Théodore Veyrat, qui est resté chez lui, secourt le jeune valet et dit à Hector Montanier qu’il ne faut pas maltraité un enfant.
Plein de rage, ce dernier retourne dans l’église en furie et brise 2 chaises du confessionnal et un banc qui sert à déposer les cercueils puis il brise le marche-pied de la chaire ou le curé dit habituellement son prône. Il repart avec les débris et emporte les clés de l’église avec lui.
À son retour, le curé accompagné de ses paroissiens ne peut que constater les dégâts survenus dans son église et trouver son jeune valet en pleurs. Ce dernier lui raconte tout devant un certain nombre de paroissiens. Le curé et certains hommes, tous du hameau de Héry semble-t-il, s’en vont réclamer les clés de l’église.
C’est alors que Hector Montanier s’énerve et après avoir copieusement insulter le curé de « bougre, fripon, voleur, assassin et adultère » il lui dit même « foutu adultère putanier je te les donnerai les clefs de l’église » et le met en joue avec son fusil chargé de menus plombs. Heureusement le curé et ses paroissiens ont le temps de se cacher derrière la muraille du cimetière. C’est l’église qui est touchée et un paroissien légèrement effleuré à l’oreille.
Il va chercher son frère Blaise Montanier qui tire avec son pistolet de loin, quoique peu de témoins rapportent ce fait, puis de près tire à nouveau sur le curé, qui n’est toujours pas touché, en disant « arrête arrête voleur il faut que nous te tuions ». Un paroissien est brûlé au nez par la bourre sortie du canon au moment du tir. Hector Montanier aurait aussi tiré mais sans que le coup ne soit parti, selon deux témoins.
Ensuite les frères jurent Dieu et blasphèment son saint nom et disent que s’ils ne peuvent l’attraper, ils iront le brûler chez lui en tenant la porte pour qu’il ne puisse sortir.
La veille déjà, d’après un témoin, Hector Montanier, le chapeau sur la tête, à moins de deux pieds du curé – alors qu’il avait l’habitude de se mettre au bas de l’église – l’a regardé fixement ayant pour dessein de se moquer de lui et de l’interrompre dans son prône.
Le curé de Chessenaz, Révérend Messire Emanuel Chardon, ne va pas en rester là ! Il dépose sa requête au Sénat de Savoie le 16 mai. Elle est soumise au procureur général et vu la gravité des excès commis, un sénateur est envoyé sur place pour enquêter. Il a joint diverses informations sur la famille Montanier et leurs exactions, à savoir :
1°) le 12 mai 1681, c’est l’affaire décrite
2°) le 4 février 1681, veille de Sainte Agathe, le curé a été pourchassé sur le grand chemin à coups de bâtons par les frères Montanier alors qu’il venait visiter leur père malade.
3°) pour destruction de la muraille et injures de la part de Blaise Montanier.
4°) partout, tout le temps et à tout le monde, les Montanier disent du mal de leur curé.
Il écrit à son évêque pour demander l’autorisation aux témoins prêtres de faire leur déposition. Il lui explique que Jean Montanier, sa femme Jacqueline Bojat et leurs enfants mettent sa vie en danger. C’est pourquoi il a du faire informer contre eux au Sénat de Savoie. C’est accordé le 19 mai 1681. Un prêtre d’une paroisse voisine sera parmi les témoins entendus.
Les 24 et 25 mai 1681, 17 témoins sont entendus et vu la gravité des faits, le 31 mai 1681, il est décidé d’arrêter les deux frères Hector et Blaise Montanier pour les mener à la conciergerie du Sénat à Chambéry et s’ils ne sont pas trouvables, trois proclamations publiques seront faites à trois jours rapprochés, pour les avertir de la procédure faite à leur encontre. Puis, s’ils ne comparaissent pas, leurs biens seront inventoriés et saisis. Leur mère, Jacqueline Bojat, est convoquée à Chambéry pour répondre des accusations portées contre elle.
Le 11 mars 1682, ils n’ont pu être appréhendés n’ayant été trouvés, car ils se sont sauvés bien sûr. La procédure s’enclenche, les proclamations publiques ont lieu au son du tambour les 16, 21 et 30 mars. L’inventaire des biens ne peut être réalisé car Jean Montanier, le père, et Françoise Donzier la femme de Hector Montanier assurent par serment que rien n’appartient à ce dernier. Cette démarche a pris 3 jours au capitaine de justice à cheval et à ses deux soldats à pied.
Parmi les documents de ce dossier s’en trouve un assez édifiant que je vais présenter demain !
À suivre …

