François Montanier explique au Sénat son point de vue. Il reprend les faits à leur origine ce qui permet de découvrir un autre conflit entre son frère Blaise Montanier dont il est le procureur et son beau-père Jacques Eudé.
Blaise Montanier a été maltraité par son beau-père l’année passée. Le juge de Chaumont a ordonné à son beau-père de verser des sommes d’argent par décision provisoire suite aux informations prises. Après avoir obtenu 3 défauts à l’encontre de Jacques Eudé, ce dernier s’est porté au Sénat de Savoie pour s’opposer contre l’ajournement le concernant. Comme il ne s’est pas fait entendre dans le délai légal, 4 mois et demi plus tard il est ressorti un arrêt à la fin du mois de juillet 1701 le déboutant de son appel et lui mandant de payer les dépens.
Le 11 août 1701, François Montanier a obtenu des lettres commandant à Jacques Eudé de payer les dépens dans les 3 jours. Il s’est rendu chez sa mère et son beau-père pour leur demander de payer avant qu’il ne fasse faire une lévation. Sa mère lui a répondu qu’elle n’a pas d’argent pour cela. Et pendant ce temps il s’est pris un coup de barre derrière la tête par son beau-père qui lui a dit « Par dieu, bougre de chien, je te la donnerai bien ta lévation. Il faut que je te tue présentement. »
Il répète les mêmes maltraitances subies que lors de son premier témoignage, mais il ajoute que Jacques Eudé l’a mordu au nez !
Plus proche de la mort que de la vie, son beau-père lui a dit « Lève-toi, tu n’as pas encore tout ce qu’il te faut. Si tu ne viens pas dans la maison pour me faire quittance de tout ce qui s’est passé avec promesse de ne faire aucune poursuite de cette affaire, je te tuerai.«
Comme il n’a pu se relever, Jacques Eudé l’a volé puis lui a tiré son épée pour la plonger sur lui. Mais sa mère s’y est opposée en disant « Ah misérable, que voulez-vous faire ! » Puis le curé est arrivé accompagné et François Montanier lui a dit que c’est Jacques Eudé qui l’a mis dans cet état à quoi ce dernier a dit « Si ce n’était le respect de Monsieur le curé, je te ferais ton reste« . Après cela, il a mis la selle à son cheval et s’est sauvé croyant qu’il l’avait tué.
Le curé est allé chercher les domestiques de Me Veyrat pour le porter dans la maison où il est resté jusqu’au lendemain quand son frère est venu le chercher à 8 heures pour l’emmener chez lui. Il y est resté 15 jours à se remettre avant de rentrer chez lui.
Il ne trouve pas de témoins qui veuillent déposer la vérité effrayés qu’ils sont par Jacques Eudé qui les a menacés. Et pour se disculper, celui-ci a lui-même porté requête contre lui et supplié sa mère d’aggraver la chose et obtenu commission à son encontre.
En conséquence, François Montanier demande que tout soit fait pour récupérer les informations prises qui sont au greffe du marquisat de Chaumont. Il est dans la crainte que Jacques Eudé et sa mère aient obtenus de faux témoignages à son encontre.
Si les témoignages qu’il a sont insuffisants, il demande à pouvoir en présenter d’autres. Comme toutes les personnes présentes sont dans la crainte, il demande que ce soit par voie de monitoire ou autrement.
Les voies de monitoire sont la procédure par laquelle un juge obtient un monitoire ecclésiastique, c’est-à-dire une lettre publique du curé, lue en chaire pendant la messe, ordonnant sous peine d’excommunication que toute personne ayant connaissance des faits vienne témoigner.
C’est un outil d’enquête puissant, mêlant justice civile et autorité religieuse.
Comme demandé, les pièces devront être communiquées et un huissier va prévenir le greffe de Chaumont en ce sens le 14 octobre. Il a 3 jours pour les transmettre. Mais aucun autre témoignage ne sera jouté…
Le 18 novembre 1701, François Montanier se déplace à nouveau à Chambéry pour s’assurer que le greffier de Chaumont a bien envoyé les pièces criminelles au greffe criminel du Sénat. Elles ont en effet été vues et la veille, car le 17 novembre, justement le procureur général Favier ne pense pas qu’il y ait lieu à aucune provision extraordinaire. C’est-à-dire que rien ne permet de procéder à des décisions sans attendre un jugement formel comme cela était demandé par son adjonction.
François Montanier retourne à Chambéry le 2 décembre suivant et au vu des pièces produites, il est ordonné ce jour-là l’ajournement de Jacques Eudé pour l’entendre sur les faits reprochés.
Les témoignages vont dans le même sens que la déposition de François Montanier ; qu’a déjà dit et va encore dire Jacques Eudé ?
À suivre …

