Quelle opinion te fais-tu lecteur à propos de cette affaire ? N’hésite pas à commenter pour me dire ton sentiment !
Pour ma part, j’imagine une histoire un peu différente ou se mêleraient les différentes versions.
La nuit tombait sur le village quand François Montanier s’engagea dans le chemin creux, le pas incertain, l’haleine chargée de vin et de rancœur. Depuis des semaines, les histoires d’impayés envers son frère l’obsédaient, et ce soir, il avait décidé de régler ses comptes. Devant la maison de sa mère où elle vivait avec son beau-père, Jacques Eudé, il se redressa sur sa selle, gonflé d’orgueil et d’amertume.
Il s’arrêta devant la porte et cria :
— Où êtes-vous, ma mère ? Êtes-vous dedans ?
La porte s’ouvrit brusquement et sa mère apparut, inquiète, le châle serré contre elle.
— Où allez-vous comme ça ? lui lança-t-elle.
François redressa la tête, fanfaronnant :
— Il y a prise de corps contre Eudé, votre mari ! Les archers sont à Fringy pour le prendre !
Elle secoua la tête, lasse :
— Laissez-moi en repos.
Ces mots eurent sur lui l’effet d’une étincelle sur un baril de poudre.
— Je vais l’exterminer, votre mari ! Le prévôt est à Fringy avec des archers pour venir le chercher ! Il faut qu’il périsse et qu’il sorte du pays ! hurla-t-il, hors de lui.
À cet instant, Jacques Eudé apparut derrière lui, alerté par le tumulte. François pivota et dans un geste irrationnel, il tira de sa ceinture un pistolet usé. Il leva l’arme, peut-être pour faire peur, peut-être pour prouver qu’il n’était plus un enfant que l’on rabrouait. Il pressa la détente. Un clic sec retentit. Rien. Le destin venait de lui offrir quelques secondes de sursis. Il tira brusquement son épée et la brandit vers lui.
— Tu es chez moi et dans mon bien ! Il faut que je te tue !
Sa mère se précipita entre eux.
— François ! Arrête !
Elle tenta de s’interposer. Mais il la repoussa d’un geste brusque et dans la confusion, elle fut peut-être blessée par l’épée.
— Je veux vous abîmer tous les deux, et perdre ledit Eudé !
Voyant l’épée levée et fou de rage, Jacques saisit une lourde planche appuyée contre le mur. Dans un cri étouffé de rage, il l’abattit sur la tête de François sans réfléchir. Le choc renversa l’homme qui tomba lourdement de son cheval. L’épée dérapa dans la poussière. La vision de son beau-fils, étendu mais encore remuant, fit perdre à Jacques tout contrôle. La peur pour sa femme, la menace de l’arme, l’ivresse du danger : tout se mélangea. Il frappa encore, aveuglément, jusqu’à ce que François cesse de se débattre. François, au sol, haletant, hurla :
— Je suis mort ! Je suis mort !
Eudé lui répondit, la voix tremblante de rage :
— Par Dieu, bougre de chien, je te la donnerai bien ta lévation ! Il faut que je te tue présentement !
Puis, dans un moment de fureur aveugle, il fouilla les poches de François, le vola, puis lui arracha son épée pour la lui plonger dessus. Mais sa mère, épouvantée, se jeta entre eux :
— Ah misérable, que voulez-vous faire !
Eudé resta suspendu, l’arme tremblante dans sa main. Est-ce à ce moment plutôt que sa femme fut blessée ? Puis, le saisissant par le col :
— Lève-toi ! Tu n’as pas encore tout ce qu’il te faut ! Si tu ne viens pas dans la maison pour me faire quittance de tout ce qui s’est passé, avec promesse de ne faire aucune poursuite, je te tuerai !
François, sonné, tenta de se relever quand des pas précipités retentirent. Le curé arrivait, accompagné de deux hommes, attirés par les cris.
— Que se passe-t-il ici ? demanda l’ecclésiastique, effaré.
François, le visage ensanglanté, désigna Eudé :
— C’est lui ! C’est Eudé qui m’a mis dans cet état !
Jacques serra les dents, mais devant l’homme d’Église se retint. Il grogna seulement :
— Si ce n’était le respect de Monsieur le curé, je te ferais ton reste.
Le curé repartit avec les deux hommes ne voulant se mêler de cette affaire. François gisait au sol, respirant encore, mais grièvement blessé, incapable de se relever.
Jacques recula d’un pas, les mains tremblantes. Il regarda François étendu, inerte, et son visage se décomposa : il crut l’avoir tué. Terrifié par l’idée d’un meurtre, croyant sa vie ruinée, il se précipita vers l’écurie, jeta la selle sur son cheval, monta comme il put et s’enfuit au galop, sans se retourner.
Sa femme resta figée, la main ensanglantée. Sa servante la rejoignit. François, lui, respirait encore. Alors les deux femmes le montèrent comme elles purent pour le coucher et firent appeler le chirurgien.
Cette nuit-là, rien ne fut résolu. Les dettes, la colère, les rancœurs… tout resta intact.
Que s’est-il ensuite passé ?
À suivre ...

