Il ne se faut jamais moquer des misérables : Car qui peut s’assurer d’être toujours heureux ?
Aujourd’hui c’est au tour des pauvres d’être mis à l’honneur ! Je ne sais si mes ancêtres pauvres se sont un jour moqués de leurs voisins moins avantagés et ont vu leur chance tourner. Je peux au moins vous les présenter.
Plusieurs ancêtres sont qualifiés de pauvres, mendiants ou même misérables ! Ces termes n’ont pas tout à fait la même connotation qu’aujourd’hui.
Il faut déjà remarquer dans quel contexte apparait la mention.
Pour le terme “misérable“, je l’ai rencontré dans les gabelles du sel savoyardes de 1561 (un de mes articles du ChallengeAZ 2019 y est consacré ). Là, il s’agit d’une appréciation de fortune pour payer un impôt. Étaient considérés comme « pauvres et misérables », ceux n’ayant « ni métier ni art », et possédant moins de 250 florins de biens (limite du niveau de survie à l’époque). Tout comme les enfants de moins de 5 ans, ils n’étaient pas assujettis à l’impôt mais recensés tout de même.
Pour les termes de “pauvres” et “mendiants” rencontrés dans la capitation espagnole en Savoie en 1748 (un de mes articles du ChallengeAZ 2019 y est consacré ), c’est la même chose. Ceux considérés comme tels ne sont pas assujettis à l’impôt mais recensés comme les enfants de moins de 7 ans.
Je vais donc laisser de côté ces deux types d’ancêtres “pauvres”, “mendiants” ou “misérables” car je ne suis pas bien certaine qu’ils étaient si désargentés que cela…
J’ai quelques “pauvre”, “pauvres gens”, “pauvre travailleur” et “pauvre travailleur à la campagne” ou “pauvre métayer”. J’ai aussi relevé deux “mendiants” et un “pauvre mendiant”.
C’est à l’un de ces deux mendiants que je vais m’intéresser. Il s’appelle Jean Coste et vivait dans le Cantal.
Il voit le jour tard dans la soirée du 2 ventôse an XIII au village de Repon à Saint-Urcize. Ses parents sont autre Jean Coste cultivateur, fermier à Repon, et Marianne Costeroste.
En tant que fermier, son père change régulièrement de domicile. Ils vivent successivement dans les villages de Repon, des Carteyret puis de Ventajou. Sa mère décède le 30 mars 1814 au village de Ventajou. La famille doit ensuite déménager au village d’Escudières à Recoules-d’Aubrac (Lozère) dont est originaire le père car c’est là que je les y retrouve par la suite.
Jean Coste y vit encore lors de son mariage avec Marie Pailler à Espinasse (Cantal) le 5 novembre 1827. Il exerce alors la profession de journalier. Il n’était pas l’héritier de son père, il a dû aller faire sa vie par lui même ailleurs. Il quitte la maison paternelle pour venir vivre avec son épouse et Gabrielle Bouge la mère de celle-ci.
Lors des naissances de ses enfants en 1829 et 1832, il est cultivateur au Mas. En 1834 il n’est plus que journalier et le sera dans tous les actes qui suivent.
En 1841, le couple vit au Mas d’Espinasse avec leur fils de 12 ans, leur fille de 7 ans et leur petite dernière de 2 ans. On les retrouve dans le recensement de 1846 et 1851. En 1856, Marie Pailler est recensée seule. Le reste de la famille est sans doute à Paris où se marie la fille ainée cette année là. En 1861, 1866 et 1876 le couple vit avec leur fille cadette et leur gendre. Jean Coste est encore indiqué journalier cette dernière année. L’année suivante 1877, Marie Pallier décède et tous deux sont toujours journaliers.
On peut trouver un aperçu de ses conditions de vie dans le contrat de mariage de sa fille Marie Jeanne Coste avec Pierre Boussuge.
Ces derniers seront les parents de Suzanne Boussuge l’arrière-grand-mère de mon grand-père dont je possède plusieurs photographies entre 1904 et 1940.
D’ailleurs, je possède aussi une photographie d’une femme prise en juin 1903 et juillet 1904 qui doit être la grand-mère des mariés des photographies. Elle est donc soit la grand-mère paternelle Marie Jeanne Dieulofès, mais elle meurt le 29 août 1904 en Lozère, soit la grand-mère maternelle Marie Jeanne Coste, qui décède à Saint-Flour en 1918. Il pourrait aussi s’agir d’une grand-tante ou une autre familière. Elle est toujours au premier rang comme les parents des mariés ce qui me fait penser qu’elle appartient à la famille proche et vu son âge une grand-mère conviendrait très bien.
Revenons à ce contrat de mariage entre Marie Jeanne Coste et Pierre Boussuge de 1860. On découvre un peu plus le niveau de vie de Jean Coste puisque avec son épouse ils font donation d’un quart de tous leurs biens à leur fille. Ces biens consistent en :
- 2 petites maisons attenantes et contiguës avec grange et écurie
- 1 petit pré
- 4 pièces de terre
- 1 petit chaudron en cuivre
- 1 autre petit chaudron
- 1 ferrat (seau destiné à puiser de l’eau au puits) en cuivre
- 1 coupe en cuivre
- 1 marmite en fonte
- 1 cuiller
- 1 poêle à frire
- 1 cloche
- 1 maie à pétrire servant de table
- 3 chaises
- 3 armoires
- 1 grenier à blé
- 2 garnis lits à l’usage de la campagne
- quelques écuelles en terre
- quelques cuillers et fourchettes en fer ou étain
- 2 hoyaux
- 1 hache
- 1 serpette
Cette petite liste ne représente pas grand chose mais au moins possèdent-ils leur toit que Jean Coste et Marie Pallier devront partager avec leur fille et gendre Jean Boussuge. Le frère et la sœur ainée de Marie Jeanne Coste sont à Paris, il ne reste plus qu’elle avec leurs parents. On les retrouve effectivement au même foyer lors des recensements de 1861 à 1876.
Leur fille Marie Jeanne Coste, veuve depuis un an, se remarie en 1877 avec Etienne Vaissade. Il serait intéressant de consulter son contrat de mariage et voir ce qu’il en est à cette date de la fortune familiale. Marie Jeanne Coste vit avec son père comme c’est indiqué dans l’acte et il est encore journalier.
Finalement Jean Coste décède le 14 juin 1881 au Mas d’Espinasse où il a vécu 53 années. Il a 76 ans et exerce la profession de … “mendiant” !
Jean Coste a vu son niveau de vie baisser entre le début de sa vie adulte et la fin de sa vie à moins qu’il n’ait jamais été bien loti et que ce soit seulement les termes qui aient été plus précis à partir d’un certain moment… S’il n’était pas riche, peut-être était-il au moins heureux !
On espère tous que nos ancêtres ont été heureux, mais cette connaissance nous est bien inaccessible…
Quelle bonne idée de prendre le titre à l’envers ! On trouve alors beaucoup plus de lettres X ! A retenir pour le prochain challenge. Très bel article et belles photos !
Ah il faut ruser un peu 😉
Merci