Bien des ancêtres ont été des femmes fortes : des femmes ayant un caractère bien trempé, des femmes ayant enduré une vie difficile…

Le choix n’a pas été simple à faire, d’autant qu’elles n’en ont pas forcément laissé de traces… Mais j’ai repensé à un acte notarié d’une ancêtre Pavanaise qui montrait une femme de décision au XVIIe siècle !

Mon grand-père maternel, Lucien Rahault descendait en ligne directe de Jehan Rahault , son ancêtre à la 12e génération. C’était un vigneron de Pavant (02). Il y était probablement né vers 1600 et décédé endetté avant 1643. Il avait épousé sûrement vers 1620 Louise Drieux.

Dès le 10 mars 1656 leurs enfants s’accordaient avec leur mère Louise Drieux au sujet de leur héritage. Le 20 juin suivant elle leur délaissait, par avantage d’hoirie, pour cause de sa « vieillesse caducité et indisposition de son corps que indigence de moyens » une partie de  ses biens.

Source : donation de 1656 aux A.D. de l’Aisne

Cette mention me fait penser que le couple est peut-être plus âgé au moins d’une dizaine d’années. Car même à cette époque il est rarement question de vieillesse à 55 ans ni de caducité qui est la dégénérescence liée à la vieillesse.

Elle cède à ses enfants un certain nombre de terres et vignobles et leur demande d’en réaliser un partage. Elle insiste sur la part que devront en retirer ses petits-enfants orphelins de son fils Simon qu’elle aime particulièrement. Ce qui est remarquable ici, c’est l’insistance dont elle fait preuve pour qu’ils ne soient pas lésés. Elle ne se contente pas de faire sa donation, elle l’accompagne d’exhortations diverses.

Une autre mention fait penser que les enfants, dont certains sont déjà établis, ne s’entendaient guère. Elle les conjure de « vivre à l’avenir en bonne paix, concorde et d’observer la charité fraternelle entre eux ». Voilà qui est peu commun dans un acte notarié !

Source : donation de 1656 aux A.D. de l’Aisne

L’ambiance familiale devait être à la chicane, jalousie, … Ses enfants promettent donc de l’« observer à l’avenir le plus ponctuellement qu’il leur sera possible ». Et c’est à cette condition que la donation a lieu !

On voit ainsi agir une femme ayant sans doute un certain caractère, une matriarche qui gère sa famille depuis son veuvage, depuis au moins 13 ans voire plus.

Déjà veuve, elle avait fait son testament le 18 novembre 1652. Elle y demandait d’être enterrée dans l’église au plus proche du sépulcre de son mari. Elle reconnaissait ses héritiers à savoir Margueritte, Louis, Simon, Jean, Pierre, Nicolas et François Rahault ses enfants. Elle déclarait avoir doté Margueritte de 240 livres, Louis de 92 livres et Simon de 192 livres. Elle nommait son exécuteur testamentaire son fils aîné Louis. Rien de très particulier ici, un testament assez commun somme toute. Du moins si l’on ne prête pas attention à certaines mentions !

En début de testament la mauvaise entente entre ses enfants est évoquée déjà : « mettre un ordre et un état pacifique entre ses enfants à l’avenir ».

Source : testament de 1656 aux A.D. de l’Aisne

Puis plus loin encore, elle les « prie et admoneste de vivre en paix et concorde après son décès ».

Source : testament de 1656 aux A.D. de l’Aisne

Elle veut éviter un procès qu’ils pourraient engager entre eux à cause des avantages que certains ont eu pour leur mariage, c’est pourquoi elle réalise ce testament. Elle donne plein pouvoir à Louis Rahault son fils ainé de faire exécuter le testament.

Pour finir, elle « veut et ordonne que Nicolas Rahault son fils susnommé fasse le voyage de Monsieur Saint Hubert ainsi qu’il en a été fait le vœu et que tous ses frères et sœur susnommés contribuent de leur part audit voyage pour les frais seulement ou sinon lui appartiendra vingt deux quartiers de vignes en deux pièces ».

Source : testament de 1656 aux A.D. de l’Aisne

Encore une fois c’est une femme de caractère qui agit, elle impose à son fils de faire un pèlerinage et à ses autres enfants de le financer !

Nicolas Rahault, qui est mon ancêtre, a-t-il effectivement réalisé ce voyage ? Je n’en ai aucune preuve… Mais de quoi s’agit-il exactement ? S’agit-il du pèlerinage à l’abbaye Saint-Hubert en Belgique ? Probablement pas, ce serait plutôt le pèlerinage de Saint Hubert des Marêts, plus au sud, près de Provins, où l’on guérit la rage par la vertu de l’eau de la fontaine. L’eau puisée à cette source avait, en effet (du moins le croyait-on) la vertu de prévenir et de guérir la rage, tant chez les hommes que chez les animaux. C’est seulement si ces pratiques n’avaient pas suffi, qu’il fallait se rendre dans l’abbaye de Saint Hubert, en Belgique, où le prêtre détachait de la précieuse étole du saint un fil qui était introduit dans le front du patient, c’est ce qu’on appelait “la taille”. Elle consistait à faire au front de la personne mordue une incision qu’on mettait ensuite en contact avec un morceau de l’étole de saint Hubert.

Ce qui est très étonnant là c’est que ce sont les malades de la rage qui effectuent ce pèlerinage normalement ! Le mystère du pourquoi de ce voyage reste entier. Le père de famille est-il mort de la rage ? Nicolas a-t-il échappé à un animal enragé ? Tout est possible…


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