Je m’étais arrêtée la dernière fois au décès de mon arrière-grand-père Joseph Pellet-Langlais en 1932 .

Reprenons là où j’en étais : “Sa femme se retrouve bien perdue sans lui. Faute de savoir quoi faire, il est enterré à La Tour en fosse commune et elle quitte la Savoie avec ses 3 enfants pour retourner vivre dans son Morvan natal.

La déclaration de mutation par décès en date du 13 septembre 1933 faite par le notaire indique qu’aucun mobilier ne dépend de la succession, Joseph Pellet-Langlais étant mort à l’hôpital et sa veuve Marie-Louise Gontier ayant quitté le pays (s’entend la région). En fait, le notaire s’est contenté de déclarer qu’aucun bien mobilier n’était présent, plutôt que de tenter de récupérer ou d’inventorier les biens ! Il est donc reporté 5% de l’évaluation des biens immobiliers pour tenir lieu des biens mobiliers. Que sont devenus les biens mobiliers de la famille ? Cousins et voisins ont dû se servir, personne n’étant là pour réclamer quoi que ce soit !

D’après cette déclaration faite 1 an 1/2 après le décès, chacun des héritiers doit 119,42 francs de frais de succession.

Finalement, un conseil de famille s’est réuni devant le juge de paix de Saint-Jeoire le 25 janvier 1935. ll a été décidé à l’unanimité que Marie-Louise Gontier accepte sous bénéfice d’inventaire pour ses 3 enfants mineurs la succession de leur père Joseph Pellet-Langlais. Il a aussi été décidé de vendre sans délai tous les immeubles dépendant de la succession pour éteindre les dettes et placer le reliquat en valeurs sur l’État français au nom des mineurs (peut-être à la caisse des dépôts). Cette démarche est logique dans le contexte familial. Les enfants et leur mère n’habitent plus la région et des frais doivent être payés. La délibération a été homologuée par jugement sur requête (de la mère des mineurs) au tribunal civil de première instance de Bonneville le 5 juin 1935. En tant que tutrice, elle est assistée du subrogé-tuteur de ses enfants, Louis Pellet-Langlais, qui est un cousin germain de leur père. Il est nommé pour surveiller sa tutelle. Il mourra 2 ans plus tard.

Le 1er juillet 1935, M. Mannessy, avoué près le tribunal civil de première instance de Bonneville de Marie-Louise Gontier a déposé le cahier des charges pour la vente aux enchères de tous les immeubles dépendants de la succession. Elle agit en son nom propre comme usufruitière du quart de la succession et au nom de ses 3 enfants mineurs : Réné, Louise et Georges.

Ce cahier des charges est un document notarié établi pour procéder à la vente des biens immeubles dépendant de la succession. Il sert à décrire les conditions et les obligations de la vente qui se fera aux enchères publiques. Il fixe toutes les règles de la vente des biens de la succession :

  • la désignation précise des biens (qui va suivre),
  • l’origine de propriété (hérité de sa sœur Adélaïde Pellet-Langlais),
  • les conditions de la vente (enchères),
  • les charges attachées aux biens (les immeubles sont libres de toute location),
  • les obligations de l’acquéreur (à prendre tel que avec à payer en sus les taxes et les frais et le quart des honoraires de l’avoué 2 375 francs, les droits du notaire 199 francs),
  • les conditions de publicité et les dates des enchères (expliqué ci-dessous),
  • la situation juridique des héritiers (mineurs par autorisation du juge après le conseil de famille).

Les lots sont formés au nombre de 7 avec avec mise à prix de départ :

  1. de 4 500 francs pour une maison (assurée contre l’incendie) avec ses aisances et cour à Boisinges 2 ares 71 n°1124-1125 et une parcelle de jardin 2 ares 70 n°1281-1282.
  2. de 1 000 francs pour une parcelle de pré planté 12 ares 48 n°1292-1293-1294-1295
  3. de 2 000 francs pour une parcelle de champ dit Le Trouaz 62 ares 84 centiares n°1464-1465-1466-1467
  4. de 2 000 francs pour une parcelle de champ dit Champ Plan 31 ares 80 n°1071-1072
  5. de 500 francs pour une parcelle de champ dit Les Rochers 20 ares n°1681-1682
  6. de 400 francs pour une parcelle de champ dit Les Chauffes 9 ares 87 n°1858-1859
  7. de 600 francs pour une parcelle de bois Aux bois de Chaubon sur Marcellaz 32 ares 35 n°7 section A

Il est prévu que l’adjudication des immeubles ait lieu à Viuz-en-Sallaz le 20 juillet 1935 à 10 heures du matin. Elle se fera au plus offrant et dernier enchérisseur et ne pourra être prononcée qu’à l’extinction de 3 bougies dont la dernière aura brûlé et se sera éteinte sans nouvelle enchère. Les enchère seront de vive voix et ne pourront être moindre de 50 francs. Sans enchère, les prix seront abaissés du quart voire de moitié si besoin est. Pour finir les 7 lots seront remis aux enchères en un seul bloc au montant de leurs adjudications réunies.

L’adjudication se déroule le jour prévu en présence de l’avoué Me Manessy et du subrogé-tuteur Louis Pellet-Langlais. Des placards ont annoncé l’adjudication à Saint-Jeoire et à Bonneville ainsi que dans le journal “L’Allobroge” de Bonneville le 29 juin 1935.

  • Les 1er et 2d lots ont été adjugés à un cousin issu de germain des enfants, François Fernand Pellet-Langlais : la maison à 4 550 francs (seul enchérisseur) et le jardin à 1 300 francs (après plusieurs enchères), outre les charges de 1 287 francs.
  • Le 3e lot n’a pas eu d’enchérisseur et a été remis en enchère à 1 500 francs, c’est le seul enchérisseur Eugène Forel qui le remporte à 1 550 francs, outre les charges de 468 francs.
  • Le 4e lot est parti après plusieurs enchères à 5 400 francs par Edouard Pagnod-Rossiaux, outre les charges de 468 francs.
  • Le 5e lot n’a eu qu’un seul enchérisseur, Basile Gavard-Lonchey, pour 550 francs, outre les charges de 117 francs.
  • Le 6e lot est parti après plusieurs enchères à 800 francs par Lucien François Dupont, outre les charges de 93 francs 60 centimes.
  • Le 7e lot est parti après plusieurs enchères à 1 600 francs par René Magnon, outre les charges de 140 francs 40 centimes.

L’ensemble a donc rapporté 15 750 francs.

Quelle part devait servir à payer des dettes ? Quelle part devait revenir aux héritiers ? D’après ma grand-mère, elle et ses frères n’ont pas touché leur héritage. À la majorité de Georges, le notaire n’avait rien à leur donner…

La maison est restée en l’état pendant très longtemps puisque dans les années 2000 elle était toujours égale à elle-même, vide en grande partie…

Mais 20 ans plus tard, elle a été entièrement rénovée et transformée…

Ma grand-mère n’aurait pas reconnu la maison de sa naissance et de ses 5 premières années de vie !

À venir, l’histoire de cette maison à travers les siècles…

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