Lettres de relief de dérogeance
21 décembre 1650
21/12/1650 : Lettres de relief de dérogeance pour Anne de VAUBOREL, fa d’Etienne, sieur de l’Ermitage, et de Guillemette de Grangère et veuve de Louis de Chérencey, sieur du Jardin, vice-bailli du Cotentin et Mortain.
Enregistrées le 9/8/1651 (cour des Aides, mémorial 35, f°165, et registre secret à cette date, f° 170 v°).
Anne de Vauborel est une fille de la très vaste famille des nobles de Vauborel, de Normandie, mon ancêtre à la 14e génération tout de même !
Quelles sont ces lettres dont elle a eu besoin ?
Les lettres de relief sont des lettres du roi qui relevaient son bénéficiaire du fait d’avoir dérogé ou du fait de la dérogeance de ses ancêtres.
La dérogeance fait perdre les privilèges de noblesse, voire la noblesse elle-même si cette dérogeance était constatée dans un jugement refusant la maintenue. la famille qui perd sa noblesse perd les privilèges qui lui sont attachés, notamment l’exemption de la taille et l’accès à certains emplois réservés. La dérogeance c’est faire des actes qui sont incompatibles avec l’état noble :
- Il est interdit aux nobles d’exploiter eux-mêmes et pour leur compte les terres et autres immeubles de leur domaine ; ils sont obligés de concéder le domaine utile (terres, bâtiments, moulins, bacs, pêcheries, etc.) sous la forme de censives mais ils peuvent toutefois exploiter eux-mêmes la “réserve seigneuriale” (terres entourant la demeure principale), dans la limite de leur consommation personnelle et de celle de leur maison.
- Toutes les professions subordonnées ou lucratives entrainent la dérogeance, comme celle de domestique, métayer, fermier, commis dans le commerce ou l’industrie, laboureur, les métiers marchands, les arts mécaniques (chirurgien, apothicaire, orfèvre), les activités du bâtiment et de la bouche, les offices de judicature subalternes (notaire, procureur, huissier, sergent), les collecteurs et receveurs des tailles et autres impôts, les fermiers généraux, changeurs, banquiers).
Par exception, les activités de verrier, de métallurgie, de mine, de manufacture, d’armement maritime et de négoce international, n’étaient pas dérogeants à condition d’être pratiqués en grand. Il en est de même des offices royaux supérieurs (officier de la Maison, des armées et des vaisseaux du roi, conseiller, président au parlement, procureur ou avocat du roi, bailli de robe courte, conseiller, secrétaire d’État, gouverneur de province, de place, de château, etc.), parfois ecclésiastiques ou municipaux.
Pourquoi Anne de Vauborel a-t-elle été dérogeante ? Et bien c’est parce qu’elle a épousé un roturier. Elle a suivi la condition de son époux ! Contrairement à ce que son nom laisse penser, Louis de Chérencey, sieur du Jardin, vice-bailli du Cotentin et Mortain, n’est pas noble (je reviendrai sur cette famille dans quelques temps). Mais il s’agissait d’une dérogeance : elle n’a pas perdu « l’état de sa naissance : c’est-à-dire sa noblesse personnelle » qu’elle a pu recouvrer en devenant veuve et libre et en obtenant des lettres de relief de dérogeance !