Quand on débute sa généalogie, parmi les premières informations qu’on repère (en dehors des dates), pour donner vie à nos ancêtres, il y a les professions qu’ils exerçaient. La plupart du temps elles sont liées à la terre, sinon à l’artisanat. Et puis quelques exceptions nous font découvrir des professions plus bourgeoises comme les notaires, par exemple. Mais on a parfois la surprise de découvrir de pauvres gens, des mendiants …

Estampe “Le mendiant”, Gallica

C’est ce qui m’est arrivé avec François Cottinet. Lors de son décès, c’est écrit noir sur blanc : “pauvre mandiant”

Source : R.P. de Lamotte-en-Santerre – A.D. de la Somme

Mais est-ce vraiment une profession ? Jusqu’en 1764 il est manouvrier et n’est indiqué pauvre et mendiant qu’à la toute fin de sa vie. Les manouvriers ne possèdent pas grand chose, ils s’emploient là où on a besoin d’eux. Ils travaillent de leurs mains. Il fait donc partie de la population pauvre de son village de campagne.

Source : Carte Cassini – Géoportail

Alors comment est-il devenu mendiant ?

En vérité c’est plus un état qu’un métier. Un état de grande pauvreté qui oblige à vivre de la charité d’autrui. Il ne faut pas imaginer nos ancêtres pauvres ou mendiants allant systématiquement par les rues mendier leur pitance. Ils ne sont pas non plus esseulés, abandonnés des leurs… Si c’est le cas de certains, les vagabonds, bien souvent ce terme de mendiant désigne davantage des personnes qui n’ont pas de ressources propres et qui doivent vivre avec l’aide des autres, en particulier l’aide de leur propre famille.

D’ailleurs en remontant à l’origine, le terme de mendicité, attesté vers 1278, définit un « état d’indigence extrême, état de celui qui demande l’aumône », le verbe mendier signifiant « demander l’aumône » (du latin mendicare) est déjà utilisé au début du XIIe siècle, tandis que le terme de mendiant, « personne qui mendie », n’apparaît qu’à la fin du siècle.

Il est bien différent du vagabond qui effraie, selon la déclaration royale du 27 août 1701 : « Déclarons vagabonds et gens sans aveu ceux qui n’ont ni profession, ni métier, ni domicile certain, ni bien pour subsister, et qui ne sont avoués, et ne peuvent certifier de leurs bonnes vies et mœurs, par personnes dignes de foi ».

L’état légifère contre le vagabondage et la mendicité, mais cela concerne surtout les mendiants valides et les vagabonds. La déclaration du 18 juillet 1724 réprime les vagabonds mendiants et vise aussi les vols auxquels ils peuvent s’adonner.

“Elle décide que les mendiants récidivistes se verront imprimer sur leur peau le monogramme M pour « mendiant ». Cette marque au fer rouge est ce que l’on appelle, en langage juridique, la flétrissure. Il s’agit d’une peine afflictive, qui, comme toute peine afflictive, rend incapable de posséder aucun office, charge publique ou bénéfice.” (in Vagabonds et mendiants dans les campagnes au nord de Paris dans le premier tiers du XVIIIe siècle Jérôme-Luther Viret).

Mais une majorité sont des gens d’un certain âge qui n’ont plus de revenus permettant de payer les impôts. On les retrouve mentionnés ainsi dans les rôles d’imposition : pauvre, mendiant, misérable… Mais parfois il peut s’agir de familles entières, bien souvent une veuve accompagnée de ses enfants, ou alors un infirme et sa famille s’il en a une. Une famille qui vient de vivre une coup du sort comme l’incendie de sa maison, événement malheureusement assez fréquent. Dans beaucoup de régions, ils sont peu inquiétés par la maréchaussée, la plupart du temps.

Mon François Cottinet (1700-1769) travaillait encore à 64 ans comme manouvrier, il assistait aux re-mariages de ses enfants. Il n’était pas du tout abandonné des siens. Mais lors de son décès, il a presque 70 ans. Usé par la vie, il ne peut plus subvenir à ses propres besoins et dépendait de la société pour survivre, probablement de ses propres enfants qui assistèrent à son inhumation.

Il en est de même des autres mendiants de mon ascendance tels Michel Clement mort mendiant à 76 ans en 1771 en Lorraine, Jean Coste mort aussi à 76 ans en 1881 en Auvergne et la plupart des collatéraux désignés ainsi qui ont entre 60 et 90 ans au moment de leur état de mendiant.

J’ai rencontré très peu de familles entières désignées ainsi et ils seraient intéressant de découvrir, peut-être, une explication telle qu’un incendie comme j’en ai pu rencontrer la mention dans certains actes notariés…


52 ancêtres en 52 semaines : Semaine 46 – Un pauvre

2 commentaires

  1. Bonjour
    Article très intéressant qui m’a fait comprendre pourquoi dans les recensements je trouve des “mendiants” dans les familles de mes ancêtres, souvent j’ai remarqué un grand-père ou une grand-mère, je me suis posée la question sans jamais avoir cherché l’explication de ces mendiants présents dans les familles.
    Bien cordialement

    1. Author

      Super si ça permet de mieux comprendre la vie de nos ancêtres à d’autres !

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